Des trois Jeannes de la guerre de Bretagne que nous présentons, Jeanne de Belleville est certainement la plus méconnue mais aussi celle dont la vie est autant trépidante que tragique.
Jeanne de Belleville est née vers 1300. Elle est de la même génération que Jeanne de Flandres.
Originaire de la moyenne noblesse du Poitou, sa famille est une branche cadette des Montaigu, qui possède également la terre de Palluau.
Vers l’âge de 12 ou 13 ans elle doit épouser un veuf bien plus âgé qu’elle, le baron Geoffroy VIII de Châteaubriant, un noble parmi les grandes familles de Bretagne.
De cette union va naitre deux enfants Geoffroy et Louise en 1314 et 1316. A 16 ans, Jeanne de Belleville est mère de deux jeunes enfants,
et elle a la réputation d'être très belle.
C’est alors qu’elle fait la rencontre d’Olivier IV de Clisson, lui aussi, issu des grandes familles des marches de Bretagne.
Nous ne savons pas exactement à partir de quand cette rencontre fera naitre un amour entre eux. Mais Olivier est lui aussi marié et père de deux enfants, dont Isabeau, souvent considéré à tort comme la fille de Jeanne de Belleville.
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Veuve en 1328, Jeanne doit se remarier et c’est avec le veuf Guy de Bretagne, comte de Penthièvre qu’elle doit convoler la même année.
Elle se retrouve donc être la belle-mère de la jeune Jeanne de Penthièvre qui a environ 4 ans.
Mais finalement, Olivier IV de Clisson se retrouve lui aussi veuf en 1330 et souhaite épouser Jeanne de Belleville.
Une enquête est menée et le pape accorde finalement l’annulation du mariage de Guy de Penthièvre et Jeanne de Belleville qui peut épouser Olivier IV de Clisson.
Trois fils, Maurice, mort jeune, Olivier et Guillaume ainsi qu’une fille Jeanne vont encore naitre au sein de la famille Clisson.
Ce bonheur conjugal prend fin tragiquement au cours l’été 1343, lorsque, invité par le roi à un tournoi à Paris, Olivier se fait arrêter,
puis décapiter pour trahison et son corps est exposé au gibet de Monfaucon, quand sa tête est envoyée à Nantes pour y être exposée à la Tour Sauve-Tout du château de Bouffay.
En effet, depuis quelques années, la guerre de succession de Bretagne fait rage entre les partisans de Charles de Blois et ceux de Jean de Montfort.
Partisan de Charles de Blois et donc du roi de France, Olivier est pourtant accusé de félonie pour avoir traité avec Jeanne de Montfort.
Il semblerait en effet, que Olivier de Clisson soit passé du côté anglais,
comme le souligne une lettre du roi Edouard III à son fils, le Prince Noir, dans laquelle il le prévient que Olivier de Clisson est maintenant avec eux.
Folle de rage, Jeanne de Belleville récupère la tête de son époux et prépare sa vengeance.
Elle fait jurer à ses enfants de poursuivre la vengeance de la mort leur père qu’elle considère comme un assassinat.
Depuis Clisson, elle recrute 400 hommes et s’empare du château de Touffou, alors aux mains des Blésistes.
Dès décembre 1343, Jeanne est aussitôt condamnée au bannissement du royaume et doit se réfugier en mer.
Elle consacre alors sa fortune à sa vengeance et achète un navire.
Dès lors elle devient la première femme pirate, celle que l’on appelle « La Tigresse Bretonne » ou « La Lionne Sanglante de Bretagne ».
Depuis son navire, elle attaque les bateaux français et blésistes et lance des embuscades très meurtrières sur les côtes bretonnes alliées au parti blésiste.
Finalement dans les premiers mois de l’année 1345, les français réussissent à s’emparer du navire de Jeanne qui parvient à s’enfuir sur une barque avec ses enfants.
Epuisé, assoiffé et affamé, son fils Guillaume, âgé de 7 ans, meurt en mer à bord de la barque après plusieurs jours de dérive.
Jeanne accoste alors à Morlaix, ville Montfortiste puis se réfugie en Angleterre avec son fils Olivier V de Clisson, âgé de 9 ans et sa fille Jeanne de Clisson âgée de 5 ans.
On ne sait si elle rencontre Jeanne de Flandres, une fois en Angleterre, mais ses enfants grandissent avec le jeune duc de Bretagne Jean IV de Montfort.
C’est depuis l’Angleterre qu’elle apprend la mort de son premier fils, Geoffroy IX de Châteaubriant, âgé de 33 ans, en 1347 à la bataille de la Roche Derrien.
Geoffroy combattait aux côtés de Charles de Blois qui vient en Angleterre comme prisonnier à la Tour de Londres. On ne sait pas si elle l’a rencontré.
Deux ans plus tard, Jeanne se remarie pour la 4ème fois avec Walter de Bentley, lieutenant du roi Edouard en Bretagne avec qui elle va mener une fin de vie tranquille en Bretagne tout en tentant de récupérer son héritage perdu par la condamnation de son époux Clisson.
Elle meurt en 1359.
Son fils Olivier V de Clisson, fidèle compagnon d’armes du duc Jean IV de Bretagne, l’aide à reconquérir son duché.
Il sera présent à la bataille finale d’Auray en 1364 au cours de laquelle il perd un œil.
Ses surnoms de « boucher » ou d’ « éborgné d’Auray » lui viennent de sa violence légendaire au combat.
Plus tard il se querelle avec son ami le duc de Bretagne Jean IV de Montfort et passera du côté des français, dont il sera le redoutable et richissime successeur,
et ami, de Bertrand Du Guesclin à la charge de Connétable de France.
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Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
- DE BELLEVILLE Astrid, Jeanne de Belleville, la Véritable Histoire, Centre vendéen de recherches historiques, La Mothe-Achard, 2022.
- BUISSON Laure, Pour ce qu'il me plaist : la première femme pirate, 2018, Broché.
- CHOFFEL Jacques, La Guerre de Succession de Bretagne, 1975, F. Lanore.
- HENNEMAN John Bell, Olivier de Clisson et la société politique française sous les règnes de Charles V et Charles VI, 2011, Presses Universitaires de Rennes ; Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne.
- JONES Michael, La Bretagne ducale sous le règne de Jean IV, 1998, Presses Universitaires de Rennes.
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