Origines de la Guerre de Cent Ans - L'alliance écossaise
Des toutes les raisons qui ont motivées Edouard III à entreprendre une guerre contre le roi de France,
l’alliance de ce dernier avec les rois d’Ecosse a fortement contribué à l’engrenage conduisant vers la guerre.
Il se trouve que les rois d’Angleterre avaient, depuis plusieurs décennies, tenté de conquérir l’Ecosse pour en faire un état vassal.
Plusieurs rois écossais avaient dû, après des défaites militaires ou pour gagner leur soutien, rendre hommage aux rois d’Angleterre :
Malcolm III à Guillaume le Conquérant en 1072 ; David Ier à Henri Ier Beauclerc et Mathilde l’Emperesse en 1127 ;
Malcolm IV en 1157 puis Guillaume Ier le Lion en 1174, à Henri II Plantagenêt.
De plus, des terres du Nord de l’Angleterre avaient été attribuées aux rois d’Ecosse, soit par conquête soit par mariage et héritage,
comme le comté de Huntington par exemple, obligeant les rois écossais à rendre hommage aux rois d’Angleterre au moins pour ces fiefs,
avec la menace toujours constante de se la faire confisquer en cas de désaccord ou rébellion.
En 1328, les rois d’Angleterre avaient quasiment réussi à soumettre l’Ecosse mais la volonté d’indépendance des écossais les ont poussés à combattre les anglais,
utilisant dans leurs tentatives, les conflits déjà existants entre les rois de France et d’Angleterre.
La crise de succession royale écossaise
De 1034 à 1290, les rois d’Ecosse appartenaient à la dynastie de la famille Dunkeld.
La maison de Dunkeld est issue du roi d’Ecosse Duncan Ier (1001-1040).
Il s’agit du roi immortalisé dans la pièce « Macbeth » de William Shakespeare, même si l’histoire en a été profondément modifiée.
Durant les règnes de cette maison, les rois sont choisis par le principe héréditaire de primogéniture.
A savoir, que le fils ainé du roi devient son successeur et à défaut de fils, il s’agit de la fille ainée.
En cas de mort des enfants du roi, les petits-enfants ont le droit transmis par leur défunt parent.
En 1286, le roi Alexandre III meurt d’une chute de cheval durant la nuit, alors qu’il rejoignait sa seconde épouse, Yolande de Dreux-Montfort.
Ses trois enfants, issus de son premier mariage, David, Marguerite et Alexandre sont déjà morts en 1281, 1283 et 1284.
David et Alexandre n’avaient pas eu d’enfant et Marguerite s’était mariée au roi de Norvège Éric II.
De cette union était née Marguerite de Norvège, unique petite-fille du roi Alexandre III,
reconnue héritière du trône d’Ecosse, d’après le traité de Perth, par le Parlement de Scone en février 1284, dès la mort du dernier fils d’Alexandre III.
En 1286, Marguerite de Norvège a 3 ans, et elle devient Marguerite Ière reine d’Ecosse, « The Maid of Norway ».
Comme elle vit encore en Norvège, en attendant son arrivée en Ecosse, le pouvoir est exercé par les « Gardiens de l’Ecosse », il s’agit d’un titre attribué lors d’une régence.
Dans le cas de la minorité de Marguerite Ière, elle s’exerce par plusieurs personnes, grands seigneurs, chefs de clan ou ecclésiastiques, choisies par le Parlement réunit à Scone :
les évêques de Saint-Andrews, William Fraiser et de Glasgow, Robert Wishart ; les comtes de Fife, Duncan III et de Buchan, Alexander Comyn ;
le seigneur de Badenoch et Lochaber, John Comyn et le fils du Grand Sénéchal, issu de la famille Stuart, James Stuart.
Au même moment, le roi d’Angleterre Edouard Ier, envisage d’unir son fils et héritier Edouard, né en 1284 à Marguerite Ière d’Ecosse,
projetant de faire de l’Angleterre et de l’Ecosse un seul et même royaume. Il envoie aussitôt au pape une demande de dispense car les deux enfants sont cousins au 1er degré ;
en effet, la grand-mère maternelle de Marguerite Ière, donc la première femme d’Alexandre III, était la sœur du roi Edouard Ier.
Cette nouvelle de la future union entre la jeune reine d’Ecosse et l’héritier du royaume d’Angleterre ne plait pas à tout le monde en Ecosse
et plusieurs héritiers au trône d’Ecosse, cousins éloignés de la jeune reine, se font connaitre et fomentent des rébellions.
La « Ligue de Turnberry » regroupe plusieurs mécontents qui tentent d’annuler cette union.
De ce fait, le premier traité, de Salisbury, ratifié le 27 septembre 1289, prévoit que malgré le mariage, l’Ecosse et l’Angleterre restent séparées et libres,
mais des clauses incluses dans le traité par les diplomates anglais émettent des réserves sur les possibilités d’indépendance de l’Ecosse.
Deux autres traités sont signés en 1290 (traités de Birgham), pour confirmer le premier, entre Edouard Ier et les Gardiens de l’Ecosse pour renouveler l’alliance
et les Gardiens demandent à Edouard Ier de les aider face aux troubles menés par les rebelles.
Mais le 26 septembre 1290, lors de son voyage depuis la Norvège vers l’Ecosse, la jeune reine meurt en mer, au large des îles Orcades, à l’âge de 7 ans,
avant même d’avoir posé le pied sur son pays maternel et d’avoir été couronnée. Marguerite était la dernière descendante directe de la dynastie des Dunkeld.
Les prétendants de la Grande Cause
A la mort de la reine Marguerite Ière, d’abord neuf, puis quatorze, prétendants au trône d’Ecosse se font connaitre.
Pour tenter de résoudre la crise, et empêcher les puissants barons ou clans voisins de leurs terres de s’enrichir encore à leurs dépens,
les Gardiens font appel au roi d’Angleterre Edouard Ier, à qui ils demandent de trancher en faveur de l’un des candidats, dans un procès, appelé « la Grande Cause ».
Edouard accepte de participer à la résolution de la crise, mais réclame en échange la souveraineté sur l’Ecosse.
En d’autres termes, le nouveau roi d’Ecosse devra prêter hommage au roi d’Angleterre.
Les Gardiens de l’Ecosse et les prétendants acceptent l’ingérence du roi Edouard pour la gestion des troubles toujours présents dans le royaume,
mais ils ne peuvent garantir l’hommage du prochain roi d’Ecosse au roi d’Angleterre, car selon eux, cette décision reviendra au futur roi.
Parmi les prétendants les plus proches du dernier roi d’Ecosse Alexandre III, il y a six descendants de sa sœur ou de ses oncles et tantes :
Nicholas de Soules, Patrick Galithley, William de Ros, Patrick de Dunbar, William de Vesci et Roger de Mandeville, mais ils sont issus de branches illégitimes.
Les trois candidats suivants sont plus sérieux, ils sont issus de branches légitimes mais sont de lointains cousins du dernier roi Alexandre III :
John Balliol, Robert V de Bruce et John Hastings.
Ils sont les descendants des filles du comte David de Huntington, qui était le frère du roi d’Ecosse Guillaume Ier le Lion, lui-même, grand-père d’Alexandre III.
David de Huntington, frère du roi d’Ecosse Guillaume Ier le Lion, avait eu quatre filles : Marguerite, Isabelle, Mathilde et Ada de Huntington.
John Balliol est le petit-fils de l’ainée des filles, Marguerite. Il fait donc valoir son droit de primogéniture.
Il est vrai qu’en ligne légitime et directe il est le premier descendant.
Robert V de Bruce ou « Robert le Noble », lui, est le fils de la seconde fille David de Huntington, Isabelle.
Il estime donc être plus proche du roi Alexandre, car un degré de cousinage plus élevé.
Il est le petit-fils de David Huntington, alors que John Balliol n’est que son arrière-petit-fils.
Pour donner plus de crédit à ses revendications, il n’invoque pas le droit de primogéniture qui est celui utilisé par la dynastie des Dunkeld, mais le droit de tanistrie.
Le droit de tanistrie était une loi de succession coutumière des Pictes et des Scots et qui était également utilisée par la dynastie des Alpin, précédant les Dunkeld.
Il s’agit de choisir un futur roi parmi les branches collatérales du dernier roi, généralement, le plus âgé, chef de famille.
De plus, en 1237, le roi Alexandre II, qui n’avait pas encore d’héritier, l’avait reconnu comme son successeur selon les anciennes lois de tanistrie.
John Hastings est un baron anglais, qui possède des terres à la fois en Angleterre et en Ecosse. Il est le petit-fils d’Ada, la dernière fille de David de Huntington.
Il ne peut invoquer le droit de primogéniture, ni celui de tanistrie, alors il est partisan d’une division de l’Ecosse en fiefs entre les principaux prétendants,
chacun devant rendre hommage au roi d’Angleterre.
Deux autres prétendants sont issus chacun d’une sœur du roi Guillaume Ier. Le premier descend de sa sœur Ada de Northumbrie, il s’agit du comte de Hollande Florent V.
Il affirme que David de Huntington avait renoncé à ses droits à la couronne d’Ecosse pour lui et ses descendants, c’est-à-dire John Balliol, Robert de Bruce et John Hastings.
Cependant, il ne peut le prouver. Le second, Robert Pinkney descend d’une autre sœur de Guillaume Ier, Marjorie, mais elle est illégitime.
Puis, un autre prétendant sérieux, John Comyn l’Ancien, est un cousin encore plus éloigné, issu d’une branche légitime descendant du roi Donald III,
arrière-grand-oncle du roi Guillaume Ier.
Il est l’un des Gardiens de l’Ecosse, mais il est aussi marié à Eléonore Balliol, sœur de John Balliol, et par elle,
il se rapproche de la lignée de David de Huntington et de la succession par primogéniture.
Enfin, deux rois étrangers font valoir leurs revendications :
le roi d’Angleterre Edouard Ier, fait valoir ses droits pour avoir été le futur beau-père de la dernière reine,
la petite Marguerite Ière d’Ecosse, et également pour être déjà le suzerain de plusieurs domaines dans le nord de l’Angleterre, appartenant au dernier roi d’Ecosse ;
et le roi Éric II de Norvège, pour avoir été le père de la dernière reine Marguerite et marié à sa mère, la princesse Marguerite d’Ecosse.
Deux clans se forment assez rapidement autour des deux prétendants John Balliol et Robert V de Bruce.
Balliol a le soutien de la famille Comyn et Nicholas de Soules se range finalement de son côté ; Bruce celle des familles de Dunbar, Clare, Burgh, Stuart et du comte de Hollande.
Les tractations qui ont lieu à Norham prévoient une commission de 104 membres, dont 40 sont choisis par la famille Balliol et 40 par la famille Bruce ;
les autres sont choisis par le roi d’Angleterre Edouard Ier.
Après deux années de vacance du trône et de troubles internes, le roi Edouard Ier finit par choisir John Balliol, le 17 novembre 1292, qui devient le roi d’Ecosse Jean Ier.
John Balliol prête aussitôt hommage au roi d’Angleterre Edouard Ier.
Cela signifie que les décisions des jugements écossais peuvent être renvoyées en appel aux tribunaux anglais et que le roi d’Angleterre peut réclamer à ses vassaux écossais,
des troupes pour la guerre, notamment en France.
Suite, très prochainement...
Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
-BARRELL Andrew MacDonald, Medieval Scotland, Cambridge University Press, 2000, Cambridge.
-BLANCHARD Cyril, La Common Army ou le déclin du roi de pique, Les Lilas, La Revue d'Histoire Militaire, 2018 (en ligne).
-BROWN Michael, The Wars of Scotland 1214-1371, Edinburgh University Press, 2004, Edimbourg.
-DUCHEIN Michel, Histoire de l'Écosse, Fayard, 1998, Paris.
-GENET Jean-Philippe, Les îles Britanniques au Moyen Âge, Hachette, 2005, Paris.
-ORAM Richard, The Kings and Queens of Scotland Tempus, 2006, Stroud.
-PRESTWICH Michael, Edward I, Yale University Press, 1997. (en ligne).
-PRESTWICH Michael, Plantagenet England : 1225-1360, Oxford University Press, 2007. (en ligne).
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