Christine de Pizan et Le Livre du Duc des Vrais Amants
Voici le partage d’une œuvre de l’écrivaine Christine de Pizan, (1360-1430), considérée comme la première femme à avoir vécue de sa plume, en pleine de Guerre de Cent Ans.
Elle est parfois, à tort ou à raison, citée comme précurseur de la tendance féministe, grâce, notamment,
à ses échanges épistolaires à propos d’un débat sur la place de la femme dans la société, dans Le Roman de la Rose (Guillaume de Lorris et Jean de Meun).
« Si l’on voulait affirmer que les femmes n’ont aucune disposition naturelle pour la politique et le pouvoir,
je pourrais te citer l’exemple de beaucoup de femmes illustres qui ont régné par le passé.
Et afin que tu te pénètres mieux de cette vérité, je te rappellerai encore quelques-unes de tes contemporaines qui, restées veuves,
ont si bien dirigé leurs affaires après la mort de leur mari qu’elles fournissent la preuve irréfutable qu’il n’est aucune tâche trop lourde pour une femme intelligente ».
Christine de Pizan, La Cité des dames.
Surtout connue pour cette œuvre de « la Cité des dames » (1405) ou pour sa biographie de Charles V :
« le Livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles V » (1404), c’est un autre manuscrit que je voulais présenter ici : « Le Livre du Duc des vrais amants » (1405).
Le Livre du Duc des vrais amants est une œuvre qui traite de l’amour malheureux entre un duc et sa dame.
Il est écrit à la première personne alternativement par le duc et la dame.
Il reste mystérieux car Christine affirme au début de l’œuvre, que celle-ci lui a été commanditée par le duc en personne, tout en restant anonyme,
à la fois sur le nom du duc mais aussi de sa dame. « A ce seigneur je ne peux qu’obéir : il m’a fait la faveur de me confier la douleur dans laquelle - sagesse ou folie -
il a été plongé plusieurs hivers et plusieurs étés durant à cause d’Amour qui, aujourd’hui encore, retient son cœur en servitude.
Il ne souhaite pas que je le nomme, il lui suffit d’être appelé le Duc des Vrais Amoureux, car c’est pour eux qu’il fait composer cette œuvre ».
De nombreux historiens ont passé des nuits blanches à tenter de découvrir qui était ce fameux duc, sans jamais pourvoir l’affirmer de façon certaine.
Tous les ducs contemporains de Christine pourraient en être le commanditaire :
- le duc de Bourgogne Philippe le hardi ( qui lui avait aussi commandé la biographie de son frère Charles V) ;
- le duc Jean Ier de Berry, ( autre frère de Charles V et grand collectionneur de manuscrits qui a commandité (en autres) avec sa sœur la duchesse Marie de Bar, Le Roman de Mélusine à Jean d’Arras ;
- le duc Louis II de Bourbon, (beau-frère de Charles V et amoureux transis de nombreuses belles dames…) ;
La génération suivante avec :
- le duc de Bourgogne Jean Sans Peur ;
- le duc Louis d’Orléans (fils de Charles V),
Pour les plus célèbres mais aussi les ducs de Lorraine, Bar ou Bretagne…
Seul l’historien Olivier Troubat, auteur d’une biographie de Louis II de Bourbon, affirme qu’il s’agirait bien de ce duc grâce à plusieurs indices qu’il aurait décelé dans l’œuvre.
Pour la dame, très peu d’hypothèse, on sait seulement qu’elle serait blonde et d’ascendance royale, sans plus d’indices.
« Si est merveille a comprendre
Coment Amours voult lors prendre
Mon cuer de celle qu'avoye
Cent fois veue et n'y avoye
Oncques pensé en mon aage (...)
Car n'apercevoye goute
La beaulté, par ma folour,
De ma dame de valour
Jusqu'a tant qu'Amours en voye (...)
Ainsi en ma main tenoye
Ce que ailleurs alloye querre.
Mais Amours de celle guerre
Voult lors mon cuer apaiser
Pour mon enfance accoisier.
« Et c’est chose incroyable que la façon dont Amour voulut rendre mon cœur prisonnier de celle que j’avais vue cent fois sans avoir jamais de la vie songé à elle.
(…) Dans ma sottise, je ne percevais rien de la beauté et de la valeur de ma dame jusqu’à ce qu’Amour me montra le chemin.
(…) J’avais ainsi à ma portée de main ce que j’allais chercher ailleurs.
Mais Amour voulut alors accorder la paix à mon cœur dans cette guerre et adoucir les tourments de ma jeunesse ».
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Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
- Christine de PIZAN, Le Livre du Duc des vrais amants, édition bilingue, Honoré Champion Classiques Moyen Âge, 2013, Paris.
- AUTRAND Françoise, Christine de Pizan, éditions Arthème Fayard, 2009.
- TROUBAT Olivier, La Guerre de Cent Ans et le Prince Chevalier le « Bon Duc » Louis II de Bourbon, Études archéologiques, 2001.
Musique que j'aime :
- Kevin Macleod & Adrian Von Ziegler, Relaxing Medieval, Middle Ages, 2019.
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