Pour comprendre les origines généalogiques de la Guerre de Cent Ans, il est nécessaire de remonter loin, très loin, dans l’arbre généalogique des Capétiens…
Le roi de France Philippe III, dit le Hardi, fils et successeur de Saint-Louis, est en effet l’ascendant directe de tous les protagonistes de cette guerre.
Il n’en saura jamais rien, mais ce sont les descendants de ses trois fils qui se feront la guerre durant plus d’une centaine d’année.
En 1285, le roi Philippe III meurt et son fils ainé est donc son successeur.
Il devient roi en 1285 sous le nom de Philippe IV, plus connu sous le nom de Philippe le Bel.
Puis à la mort de Philippe IV le Bel, en 1314, son fils ainé Louis X, dit le Hutin devient roi à son tour.
D’une certaine manière, jusque-là tout va bien. Depuis leur lointain ancêtre Hugues Capet (939-996), les rois de France avaient toujours eu un fils pour succéder à leur père.
Mais en 1316, à la mort de Louis X le Hutin, tout se complique…
Les crises de succession de la fin des Capétiens directs
Il se trouve que le roi de France (et de Navarre), Louis X le Hutin, n’a pas eu la chance de ses prédécesseurs.
Lorsqu’il meurt en 1316, à l’âge de 27 ans, il n’a pas de fils pour lui succéder.
C’est la fin du miracle Capétiens !
Cependant, un espoir subsiste…
Si Louis X le Hutin n’a pas de fils à sa mort, il a néanmoins une fille de 5 ans, Jeanne de France, née en 1311 de sa première épouse Marguerite de Bourgogne
et un enfant à naitre de sa seconde épouse Clémence de Hongrie.
Alors pour quelques mois, le doute persiste…
Qui succédera à Louis X ? Pour chacun le choix est simple. Si l’enfant à naître est un garçon, il sera le roi dès sa naissance.
En revanche, si c’est une fille, la petite Jeanne de France étant l’ainée sur sa petite sœur à naître, elle sera la prétendante au trône.
Mais il faut encore attendre. Et surtout, étant donné l’âge des enfants, il faudra nécessairement une régence.
Une régence nécessaire
Pour la régence, il y a déjà eu un précédent. Durant la minorité du roi Louis IX, (1214-1270), dit Saint-Louis, père de Philippe III,
sa mère la reine Blanche de Castille avait obtenu, non sans mal, la régence.
Alors Clémence de Hongrie, enceinte de l’éventuel futur petit roi posthume, pourrait bien réclamer la régence.
Mais elle ne le fait pas. Elle est surtout reine depuis très peu de temps et a très peu d’influence.
D’autre part, si l’enfant à naitre est une fille, elle n’aura aucune légitimité à prétendre à la régence pour sa belle-fille, la petite Jeanne de France.
Cela n’est pas très important que la reine Clémence se désintéresse de la régence, car d’autres sont prêts et très intéressés à se l’approprier.
Ils sont notamment trois à réclamer la régence.
Tout d’abord, il y a Charles, comte de Valois. Le comte de Valois est l’oncle du défunt roi Louis X le Hutin.
Il avait beaucoup d’influence sur son neveu Louis X le Hutin durant son court règne.
Mais il n’y en a un qui ne souhaite pas laisser sa place de régent à son oncle, c’est le premier frère de Louis X le Hutin, Philippe, comte de Poitiers.
Enfin, le duc de Bourgogne, Eudes IV, souhaite aussi avoir sa place dans la régence, en tant qu’oncle de la petite Jeanne de France.
Eudes de Bourgogne était en effet le frère de Marguerite de Bourgogne, première épouse de Louis X.
Cependant, si l’enfant à naître est un garçon, il perd toute légitimité à la régence puisque la reine enceinte n’est pas Marguerite de Bourgogne mais Clémence de Hongrie.
Finalement, le duc de Bourgogne est très rapidement écarté et c’est Philippe, le comte de Poitiers qui réussit à s’imposer comme régent jusqu’à la naissance de l’enfant royal,
au grand désespoir de son oncle, le comte de Valois.
Protéger les intérêts des enfants de Louis X
Un premier traité (il y en aura 5 en tout) est établi le 17 juillet 1316 à Vincennes sur la demande du duc Eudes de Bourgogne. Celui-ci stipule qu’en cas de naissance d’une fille, les deux sœurs se partageraient, à leur majorité, l’héritage de la Navarre, de la Champagne et de la Brie, SI elles renonçaient au trône de France. (Mais elles pourraient aussi refuser de renoncer au trône de France et garder la couronne des Lys…).
Le traité prévoit aussi qu’en cas de mort de l’une des deux filles avant leur majorité, l’autre garderait tout l’héritage. Il est également prévu dans ce traité, que Philippe de Poitiers gardait la régence jusqu’à la majorité des filles…
En revanche, rien n’est spécifié sur l’héritage en cas de naissance d’un garçon, puisqu’il parait évident à tous, qu’avec cette hypothèse, le garçon à naître serait le roi de France et de Navarre, ainsi que le comte de Champagne et de Brie.
Philippe, comte de Poitiers s’installe donc dans la régence pour plusieurs années…
Une naissance royale très attendue et un règne très court…
Enfin, au mois de novembre 1316, la reine Clémence accouche d’un garçon, un petit roi, aussitôt prénommé Jean.
Il sera donc Jean Ier, le Posthume, le plus jeune roi de l’histoire de France. Et son oncle Philippe, le comte de Poitiers, reste le régent.
Malheureusement, le très jeune roi Jean Ier, ne vit que quelques jours.
Le 19 novembre 1316, il rend l’âme et le royaume se trouve à nouveau plongé dans une crise de succession, bien plus préoccupante.
Le coup d’état du comte de Poitiers… Jeanne de France écartée du trône
A la mort de son petit frère, la jeune Jeanne de France, n’a que 5 ans et n’est pas en capacité de réclamer le trône de France pour elle-même.
En plus de sa minorité, Jeanne de France a hérité d’un soupçon de bâtardise. En effet, sa mère avait été condamnée quelques années plus tôt pour adultère.
Il s’agit du scandale de la Tour de Nesle.
Alors, le comte de Poitiers, fort du pouvoir obtenu grâce à sa régence, en profite pour se faire sacrer roi de France.
Il devient Philippe V, dit le Long. Jeanne est écartée du trône de France.
Un roi contesté
Le premier à contester la prise du pouvoir par Philippe V est le duc de Bourgogne Eudes IV.
En effet, il est l’oncle maternel de la petite Jeanne de France.
Le duc de Bourgogne Eudes IV est soutenu par sa mère Agnès de France, elle-même fille de Saint-Louis. Mais leurs protestations n’y changent rien.
Finalement, afin de s’appuyer le duc de Bourgogne, le nouveau roi de France Philippe V, lui donne sa fille ainée en mariage.
Non pas que le duc soit très amoureux de la fille du roi, mais celle-ci est très bien dotée.
Elle s’appelle également Jeanne de France et est l’héritière par sa mère, la reine Jeanne de Bourgogne et d’Artois, du comté de Bourgogne (la Comté-Franche) et du comté d’Artois.
Ce qui intéresse donc le duc de Bourgogne ce sont bien les comtés de Bourgogne et d’Artois qu’il pourra réunir à son duché de Bourgogne en épousant la princesse encore enfant.
Le duc Eudes de Bourgogne rentre donc dans le rang et se tait ; quant à sa mère, Agnès de France, elle se terre au couvent. L’affaire est close.
Pour ajouter à la situation, Philippe V s’approprie également la couronne de Navarre, ainsi que les comtés de Champagne et de Brie qui revenaient de droit à sa nièce Jeanne de France.
La petite Jeanne est donc doublement écartée des successions de France et de Navarre.
Néanmoins un traité est signé par Philippe V selon lequel, à sa majorité (12 ans), Jeanne pourra faire valoir ses droits sur les couronnes de France et de Navarre,
à moins d’être dédommagée. L’affaire est donc reportée pour l’année 1324, âge de la majorité de Jeanne.
Et finalement, l’idée s’installe qu’une fille ne peut hériter du royaume de France. Entre temps, en 1318, Jeanne de France, fille de Louis X épouse son cousin Philippe d’Evreux,
fils de Louis de France, comte d’Evreux.
Un nouveau règne
Avant l’année 1324 qui doit voir la majorité de Jeanne et sa décision de renoncer ou non au trône de France, le roi Philippe V meurt en 1322.
Comme son prédécesseur, Philippe V meurt sans avoir de fils pour lui succéder. Il a quatre filles, mais aucune n’a encore d’enfant.
Le dernier frère de Philippe V, Charles comte de La Marche, se fait donc sacrer roi de France, en écartant du trône les filles de Philippe V comme celui-ci avait écarté du trône,
la fille de Louis X. Il règne sous le nom de Charles IV le Bel.
L’idée qu’une fille ne peut prétendre au trône de France se confirme et personne ne vient contester l’avènement de Charles IV.
Afin de régler la situation de Jeanne de France, fille de Louis X, Charles IV fait rédiger un nouveau traité.
L’ensemble de la succession perdue de Jeanne de France, est expliqué dans l’article consacré à son fils Charles le Mauvais.
La succession du dernier roi capétien direct
Malheureusement, le sort semble s’acharner sur les fils de Philippe IV le Bel. Ces malheurs seront à l’origine même de la légende des « Rois Maudits ».
En février 1328, le roi Charles IV le Bel meurt. Il n’a pas de fils pour lui succéder.
Il a une fille, Marie de France, âgée d’un an et demi et sa femme, la reine Jeanne d’Evreux est enceinte. A nouveau, la question de la succession se pose.
Dans un premier temps, on pense, comme à la mort du roi Louis X, à nommer un régent, au cas où l’enfant à naitre serait un garçon, il serait roi dès sa naissance.
Les pairs du royaume se réunissent et choisissent le premier neveu de Philippe IV le Bel, en ligne directe par les hommes.
C’est Philippe, Comte de Valois, fils ainé de Charles de France, comte de Valois et premier frère de Philippe IV le Bel.
Dans le cas où ce serait une fille, pourrait-elle devenir reine de France ? Ou bien sa sœur ainée Marie ?
Cela semble compromis puisque les filles des deux rois précédents Louis X et Philippe V ont été écartées du trône de France.
Et c’est pourtant bien ce qui arrive le 1er avril 1328. La reine Jeanne d’Evreux accouche d’une fille : Blanche de France. Qui va donc devenir le nouveau roi de France ?
Le régent Philippe de Valois est le premier à qui l’on pense. Il détient déjà tous les pouvoirs et il est un homme adulte, vaillant chevalier.
Pourtant, tout n’est pas si simple car d’autres candidatures sont possibles.
En effet, s’il semble acquis que les filles de roi de France n’héritent pas de la couronne, il n’existe aucune loi qui les en empêche et officiellement,
Jeanne, fille de Louis X, mariée à Philippe d’Evreux, n’a jamais renoncé à ses droits à la couronne de France, ni à celle de Navarre d’ailleurs.
Elle pourrait très bien faire valoir ses droits et son époux Philippe d’Evreux, lui-même neveu de Philippe IV le Bel l’y encourage.
En 1328, elle a 16 ans, est majeure, a déjà deux filles et est de nouveau enceinte.
Mais la règle d’écarter les femmes du trône de France reste choisie et Jeanne n’est mariée qu’au second neveu de Philippe IV, le comte d’Evreux.
Philippe de Valois est le premier neveu, il est donc préféré à Philippe d’Evreux.
Cependant, Philippe de Valois doit renoncer à la couronne de Navarre, dont il n’est nullement l’héritier et Jeanne, fille de Louis X et son mari Philippe d’Evreux,
deviennent reine et roi de Navarre, sous le nom de Jeanne II et Philippe III.
Puisque la règle de la succession des femmes au trône de France parait perdurer, qu’en est-il des fils de ces dernières ?
La fille d’un roi de France ne peut devenir reine de France en titre, mais peut-elle transmettre ce trône à son fils ?
La question mérite d’être posée et c’est ce qu’il se passe en cette année 1328.
En reprenant l’ensemble des derniers règnes et en suivant ce questionnement, d’autres candidatures sont possibles.
Charles IV est mort en laissant deux très jeunes filles. Elles n’ont pas encore d’enfants, la question ne se pose pas pour elles.
La fille de Louis X, la reine Jeanne II de Navarre, nous l’avons vu a eu deux filles, mais pas encore de fils. La question ne se pose donc plus pour elle non plus.
En revanche, les filles de Philippe V sont mariées et l’ainée d’entre elles, Jeanne duchesse et comtesse de Bourgogne et d’Artois a déjà un fils :
Philippe de Bourgogne a 5 ans et il est le petit-fils de Philippe V. Il pourrait bien devenir roi de France mais cela nécessiterait une régence.
Son père, le duc de Bourgogne Eudes IV avait déjà réclamé la régence au nom de sa nièce Jeanne, fille de Louis X,
mais il avait abandonné au profit de son mariage avec la fille de Philippe V. Il pourrait bien vouloir à nouveau la régence au nom de son fils Philippe de Bourgogne.
Pourtant, aucun des parents de Philippe de Bourgogne ne réclame la couronne pour leur jeune fils.
Pourquoi le duc Eudes IV de Bourgogne ne réclame-t-il pas la couronne et la régence au nom de son fils ?
Il existe deux raisons à cela :
- La première c’est que si actuellement, la fille ainée de Philippe V a un fils, rien ne permet de prédire que les autres filles de Louis X ou de Charles IV n’aient un jour un fils.
Et la fille de Louis X est enceinte, qu’adviendrait-t-il si elle accouchait d’un garçon ? Celui-ci n’aurait-il pas la primauté sur Philippe de Bourgogne ?
Ou bien, les filles du dernier roi Charles IV, n’auraient-elles pas la primauté pour leurs éventuels fils à venir ?
L’avenir semble bien compliqué si l’on prend en compte les petits-fils de roi par leurs filles.
- L’autre raison, c’est que le duc Eudes IV de Bourgogne n’est autre que le frère de Jeanne de Bourgogne, elle-même mariée à Philippe de Valois.
Et cette Jeanne-là a un tempérament bien trempé ! Pas question que son mari Philippe de Valois ne renonce au trône de France en faveur de son neveu de Bourgogne.
Elle fait donc pencher la balance vers son mari afin que son frère Eudes ne réclame pas le trône pour son fils Philippe de Bourgogne.
Et pour cela, elle a les arguments précédemment cités. De plus, elle et son mari Philippe de Valois ont déjà un fils, Jean, âgé de 9 ans.
La succession est assurée pour les Valois. Philippe de Valois est en âge de régner et une régence ne sera pas nécessaire contrairement à Philippe de Bourgogne.
Le soutien de Jeanne de Bourgogne pour sa famille Bourguignonne n’en demeure pas pour autant dégradé. Toute sa vie Jeanne de Bourgogne placera autour d’elle des Bourguignons.
Plus tard, la propagande anti-bourguignonne menée par les Armagnacs en pleine guerre civile, en feront la « mâle reine boiteuse », influençant son époux dans toutes ses mauvaises décisions.
Philippe de Bourgogne, petit-fils de Philippe V est donc écarté du trône. Les filles de France ne pourront donc pas transmettre à leur fils, le trône qu’elles n’ont jamais eu pour elle-même. Toute succession au trône de France ne se fera que par la lignée masculine uniquement. Philippe de Valois est donc celui qui succèdera à Charles IV le Bel. Philippe de Valois devient Philippe VI, « le roi trouvé ».
Enfin, s’il en est une qui n’est pas en accord avec cette dernière décision, c’est Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel. Elle réclame le trône pour son fils Edouard III roi d’Angleterre. Dans les premiers temps, en 1328, Edouard III a 16 ans, c’est un très jeune roi qui accepte la situation. Mais c’est bien cette décision du choix de Philippe de Valois qu’il remettra en cause quelques années plus tard pour servir de prétexte à la guerre qu’il déclenchera contre les Valois et qui durera plus d’une centaine d’années…
Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
- BOVE Boris, 1328-1453 Le temps de la Guerre de Cent Ans, 2014, Belin.
- FAVIER Jean, La Guerre de Cent Ans, 2007, Fayard.
- MINOIS Georges, La Guerre de Cent Ans, 2010, Editions Perrin.
Musique que j'aime :
- Cephei, Goodbye Atlantis, Legends of war, 2019.
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