Bienvenue sur le site de la Guerre de Cent Ans !


Yolande de Flandre-Cassel comtesse de Bar et de Longueville (1326-1395)

Voici l’histoire d’une grande dame déterminée et intraitable, incontournable de la Guerre de Cent Ans, peu connue, mais néanmoins à l’influence non négligeable dans le conflit qui déchire la France de cette époque.
Yolande de Flandre-Cassel a vécu durant toute la première partie de la Guerre de Cent Ans. Et dès sa naissance son patronyme en dit long sur son avenir, notamment en raison du long conflit qui se prépare…


Yolande est issue de la maison de Flandre…
Et c’est là que tout commence. Dans l’affrontement qui oppose la France et l’Angleterre, les Flandres sont stratégiques. Il s’agit d’un riche comté dont le comte, Louis Ier, cousin germain de Yolande, est pair et vassal du roi de France à qui il doit rendre hommage.
Oui mais voilà, les riches bourgeois des villes flamandes ont besoin d’un commerce florissant et paisible avec l’Angleterre, notamment pour importer la laine si nécessaire aux tisserands flamands. Chacun des deux rois français et anglais veut donc attirer dans son camp, les héritières de la famille comtale. De plus, Yolande est riche puisqu’elle hérite de son frère, en 1332, de la seigneurie de Cassel, apanage flamand qui va jusqu’à la Manche et comprend Dunkerque.


Recueillie en 1331 à la mort de son père, par la reine de France Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe VI ; Yolande grandi à la cour de France. Finalement, elle est mariée au comte Henri IV de Bar à l’âge de 12 ans, en 1338, autant dire au lendemain du début de la guerre. Son mari est âgé de 23 ans.
Le comté de Bar a cela d’intéressant, mais aussi de compliqué, qu’il est situé sur la frontière Est du royaume, (aux marches de Lorraine). Certaines terres du comté de Bar se trouvent en France avec sa capitale à Bar-le-Duc, et d’autres dans le Saint Empire Germanique avec comme capitale, Pont-à-Mousson.
Le comte de Bar doit donc rendre hommage à la fois au roi de France dont il est le vassal mais aussi à l’Empereur.


Très rapidement, Yolande est de nouveau une pièce maitresse du conflit puisqu’à la guerre anglo-française vient se greffer une nouvelle guerre, celle de succession de Bretagne. En effet, en Bretagne, une crise dynastique démarre en 1341, et oppose deux camps, celui des Blois-Penthièvre soutenu par le roi de France, à celui des Montfort, soutenu par le roi d’Angleterre. Et notre Yolande est la fille de Jeanne de Bretagne-Monfort.
La famille de sa mère se range donc du côté anglais, quand celles de son mari et de son père se rangent du côté français.
De sa mère, Yolande est l’héritière d’un groupement de terre situées dans le Perche, autour et au Sud de Nogent-le-Rotrou (entre Chartres, Alençon et Le Mans).


Yolande et son mari ont deux fils : Edouard né en 1339 et Robert né fin 1344, un mois avant le décès de son père par maladie.
A l’âge de 18 ans, Yolande se retrouve veuve avec deux fils en bas-âge. Son fils ainé Edouard devient comte de Bar à l’âge de 5 ans.
En 1345, Yolande, comtesse douairière est libre, riche de ses terres en Flandre (Cassel), en Normandie (Perche), en Barrois par son douaire de veuve (terres autour de Varennes à l’Ouest de Verdun) et par la gouvernance du comté de Bar pour lequel elle réclame au roi de France la régence au nom de son jeune fils Edouard.

Nous sommes à la veille des grandes défaites françaises de Crécy (1346) et Calais (1347) face à l’Angleterre. Les ennuis commencent rapidement pour Yolande.

Les adversaires

Les Sires de Pierrepont et Pierrefort

Tandis qu’elle gouverne le comté de Bar au nom de son fils, ses premiers adversaires se font connaitre.
Ils sont les seigneurs barrois Thibaut de Pierrepont et Pierre et Henri de Pierrefort, des cousins du défunt mari de Yolande. En tant que plus proches parents du comte décédé et en tant que barrois, ils réclament la gouvernance du comté jusqu’à la majorité du jeune Edouard de Bar.
Cette mésentente au sein de la famille comtale de Bar conduit à des guérillas et escarmouches qui ruinent et affaiblissent le comté. Le roi de France Philippe VI avait pris les fils de Yolande sous son aile afin qu’ils soient élevés avec ses propres petits-fils en échange de quoi il soutenait Yolande dans sa régence. Mais là, rien ne va plus en Barrois et Philippe VI commence à perdre confiance en Yolande. Il a besoin de toutes les forces vives du royaume et ne peut accepter que ses vassaux se perdent dans des guerres privées.

Fin 1349, en pleine épidémie de Peste Noire, Philippe VI prend une décision radicale pour le Barrois. Il déclare majeur le jeune comte Edouard, âgé de 10 ans. Yolande ne peut donc plus être régente. Le jeune comte de Bar Edouard II prête allégeance au roi qui impose de nouveaux gouverneurs au comté, les seigneurs de Pierrefort et Yolande devra composer avec eux.

Mais Yolande n’a pas dit son dernier mot et résiste à la décision royale.


La duchesse de Lorraine, Marie de Blois-Chatillon

Nous sommes en 1350. Le roi de France Philippe VI meurt et son fils Jean II devient roi. Le petit comte de Bar Edouard, âgé de 11 ans, est adoubé chevalier par le roi Jean lors du sacre, en même temps que le fils ainé du roi, le dauphin Charles, (futur Charles V), âgé de 12 ans.
Au début de l’année 1350, une nouvelle adversaire fait son entrée. La duchesse douairière de Lorraine, Marie de Blois-Chatillon.
Elle aussi est veuve et régente au nom de son jeune fils le duc Charles II de Lorraine dont le père est mort à la bataille de Crécy. Bien que vassale de l’Empereur, la duchesse de Lorraine est proche du roi de France, puisqu’elle est sa cousine. Son frère Charles de Blois est le représentant du camps Blois-Penthièvre dans la guerre de succession de Bretagne qui l’oppose au clan Montfort.
Voilà la Bretagne qui s’invite en Barrois ! Par vengeance, et aussi suite à d'anciennes querelles territoriales entre le comté de Bar et le duché de Lorraine, les troupes de Yolande ravagent les terres de Lorraine jusque sous les portes de Nancy.

La paix, entre les deux femmes, ne sera signée qu’en 1352, grâce à l'intervention du Pape et du roi Jean II.


Jeanne de Bar, comtesse Warren de Surrey

L’année 1352 est synonyme de souffrance pour Yolande, qui perd son fils ainé, Edouard II, le jeune comte de Bar, à l’âge de 13 ans.
Le second fils de Yolande, devient le nouveau comte de Bar, Robert Ier, mais il n’a que 8 ans et une nouvelle régence s’impose, que Yolande réclame.
Une nouvelle rivale fait son apparition dans la vie de Yolande. Il s’agit de Jeanne de Warren, comtesse de Surrey. Elle est anglaise me direz-vous ? Oui par alliance, mais elle est veuve et flamande de naissance. Jeanne de Warren, est la tante du défunt époux de Yolande, ainsi que la tante des sires de Pierrefort et de Pierrepont, ennemis de Yolande. Bien entendus, les sires de Pierrefort et de Pierrepont soutiennent la candidature à la régence de Jeanne de Warren. Le roi de France s’incline alors en faveur de Jeanne de Warren.
Yolande, qui n’est pas femme à se laisser marcher sur les pieds, emploie alors les grands moyens et décide de se faire de nouveaux alliés. Et pas n’importe lesquels !


Les alliés

A cette même époque, le roi Jean II, tente de maintenir la paix au sein de la famille royale et ce n’est pas chose aisée. Il en est un qui est bien mécontent de son roi, c’est Charles II roi de Navarre et comte d’Evreux, que l’histoire retiendra sous le surnom de Charles Le Mauvais.
Charles Le Mauvais, est le descendant direct et petit-fils du roi de France Louis X, par sa mère Jeanne de France, reine de Navarre. Pour dédommager Jeanne de France de n’avoir pas hérité de la couronne des Lys, les rois de France qui ont succédé à Louis X ont signé avec elle des traités lui apportant des sommes d’argent, des rentes et des terres, dont elle s’est faite petit à petit spoliée par ces mêmes rois. Les revendications de Charles Le Mauvais sont donc de récupérer ces terres et rentes prévues par traités pour sa famille.
Dans le même temps, le roi Jean II donne le comté d’Angoulême, revendiqué par Charles Le Mauvais, à son favori La Cerda ainsi que la charge de connétable dont il s’estime être plus méritant. Charles Le Mauvais est furieux.
Afin de calmer le jeu, le roi Jean II lui offre, en 1352, sa fille ainée en mariage, mais prend du retard pour le paiement de la dote.
C’est alors que l’idée d’une alliance avec Yolande de Cassel devient intéressante.


Le Parti Navarrais

En effet, à proximité du comté de Bar, se trouve celui de Champagne, puis les terres de Brie, tout proche de Paris. La mère de Charles Le Mauvais, avait accepté de renoncer à la Champagne et à la Brie dont elle était l’héritière, en compensation d’Angoulême et autres rentes. Mais la famille de Navarre avait gardé de nombreux partisans dans le comté de Champagne.
En s’alliant avec la mère du comte de Bar, et en ajoutant à cela les terres d’Evreux, en Normandie, c’est Paris qui est encerclé à l’Est comme à l’Ouest par le parti Navarrais, détenu par Charles Le Mauvais. Un mariage est donc organisé.

A la fin du printemps 1353, Yolande de Cassel, comtesse douairière de Bar, épouse Philippe d’Evreux-Navarre, comte de Longueville, le frère cadet de Charles Le Mauvais.
Le mariage a lieu à l’abbaye royale franciscaine de Longchamp, à l’Ouest de Paris, dans la forêt du Rouvray (à l’emplacement actuel de l’hippodrome, dans le bois de Boulogne-Billancourt). Cette abbaye est soutenue et financée par la famille d’Evreux-Navarre, où l’une des sœurs de Charles Le Mauvais y est nonne.
La mariée, Yolande de Cassel, a 27 ans, son époux, Philippe d’Evreux-Navarre, 17 ans. Il s’agit bien sûr d’une alliance politique dont aucun enfant ne naitra. Si Charles Le Mauvais est heureux de placer ses pions en barrois qui devient une base-arrière du parti Navarrais ; Yolande, elle, a trouvé un protecteur en la personne de Philippe. Philippe est un chevalier prometteur, et surtout un homme sur qui elle pourra compter pour assoir son autorité dans le comté de Bar face à Jeanne de Warren et ses neveux, les sires de Pierrefort.


Puisque les deux femmes, Yolande de Cassel et Jeanne de Warren se querellent pour l’obtention de la régence en barrois, un procès est envisagé par le roi pour départager les candidates. Elles doivent donc exposer leurs arguments au Parlement de Paris.
Jeanne de Warren n’hésite pas à accuser Yolande de s’être mariée avec Philippe d’Evreux-Navarre, alors que ses derniers avaient gardé l’alliance secrète le temps du procès. Le roi Jean II est furieux et fait influencer le procès en faveur de Jeanne de Warren.
Yolande et son mari abandonnent provisoirement le pouvoir en barrois, au profit de Jeanne de Warren et les sires de Pierrefort. Cependant, dans les faits, ils reprennent rapidement le pouvoir et Philippe d’Evreux-Navarre intervint militairement à la fin d’année 1353 en barrois, de nouveaux contre les troupes de la duchesse de Lorraine qui attaquent le comté de Bar.

Mais à la fin de l’année 1353, les tensions grandissent entre le connétable La Cerda et le parti Navarrais. Des insultes sont même proférées et Philippe en vient à menacer avec une dague le connétable La Cerda en la présence même du roi qui doit intervenir pour le stopper. Finalement, le connétable sera bel et bien assassiné, le 8 janvier 1354, à l’Auberge de La Truie Qui File à l’Aigle, à priori, de la main de Philippe d’Evreux-Navarre. Charles Le Mauvais revendique alors le meurtre et appelle les anglais à la rescousse.
Le roi Jean II doit céder sous peine de voir un débarquement anglais et pardonne officiellement. Le 22 février 1354 est signé le traité de Mantes entre le roi Jean et Charles Le Mauvais qui en sort largement vainqueur, en agrandissant ses possessions, notamment en Normandie.


L’Empereur Charles IV de Luxembourg

Yolande, elle, n’y gagne pas grand-chose. Le parti Navarrais a, pour le moment, obtenu ce qu’il voulait, il n’a plus vraiment besoin de Yolande. Son mari la délaisse et délaisse aussi provisoirement le barrois. Le roi Jean II voit désormais Yolande comme une ennemie et décide de mettre le barrois sous contrôle militaire.
Il envoie des troupes et positionne des garnisons françaises dans l’ensemble du comté de Bar, jusque dans la partie impériale. Ce qui ne plait pas du tout à l’Empereur Charles IV de Luxembourg ; (en réalité, il n’est pas encore Empereur à ce moment-là, il n’est encore que Roi des Romains, mais possède déjà les insignes de l’empire).
L’Empereur prend alors parti pour Yolande et une rencontre s’organise entre eux à Longwy. Le roi Jean réplique en accordant la majorité au jeune comte Robert Ier, âgé de 10 ans. De nouveau la question de la régence peut être oubliée.
Le mois suivant, l’Empereur réplique lui aussi en faisant du jeune comte Robert, un marquis de Pont-à-Mousson. La cérémonie à lieu à Luxembourg en mars 1354, en présence du jeune Robert et de sa mère Yolande. Le titre de Marquis est plus élevé que celui de Comte. Yolande, qui a beaucoup d’influence sur son jeune fils, revient au pouvoir en barrois, d’autant plus que la régence n’ayant plus lieu d’être avec la majorité de Robert, Jeanne de Warren est évincée.
Afin de contrer l’Empereur, le roi Jean décide, par grâce royale, de faire du comté de Bar un duché et Robert devient alors duc de Bar ; mais cela n’empêche pas Yolande de rester aux commandes du nouveau duché. Ainsi le comté de Bar est devenu un duché grâce à l’opiniâtreté de Yolande !


Le retour des Navarrais ou le choix du mauvais parti pour Yolande

A la fin de l’été 1354, le roi organise une fête au Palais de la Cité, où les frères d’Evreux-Navarre sont invités. Cependant, un complot est préparé pour les faire assassiner. Le roi Jean n’a en effet jamais vraiment pardonné l’assassinat de son connétable et ami d’enfance La Cerda, et le traité de Mantes n’a jamais été mis en application dans les faits de la part du roi Jean. Mais le complot est révélé aux frères de Navarre avant d’aboutir (par, entre autres, le cardinal de Boulogne, oncle de la reine !) et Charles Le Mauvais s’enfuit en Avignon, tandis que Philippe part dans le Cotentin, en Normandie. En Avignon, Charles Le Mauvais fait tout pour faire capoter les pourparlers de paix entre la France et l’Angleterre ; puis il part à Pampelune en Navarre où il prépare un débarquement anglais dans le Cotentin avec la complicité de son frère Philippe et du roi Edouard III d’Angleterre.

Au début de l’année 1355, le roi Jean nomme son fils ainé le Dauphin Charles, lieutenant de Normandie. Il est chargé de mettre le duché en état de défense. Cependant, la sœur et la tante de Charles le Mauvais, Blanche et Jeanne d’Evreux dissuadent Charles le Mauvais d’intervenir et finalement, le roi Edouard III retourne dans son île anglaise et Philippe d’Evreux-Navarre retourne en Barrois.

Le roi Jean n’a pas renoncé au barrois et décide de nommer un gouverneur à sa tête, il s’agit, encore, de Henri de Pierrefort, l’ennemi de Yolande. Il est chargé de tout rapporter au roi, notamment sur la conduite de Yolande et de son mari. Et Henri de Pierrefort réussit si bien sa tâche, qu’il parvient à faire capturer Philippe d’Evreux-Navarre en avril 1355.
Durant l’été 1355, un nouveau traité, celui de Valognes, se prépare entre les Navarrais et le roi Jean, reprenant les termes du précédent, le traité de Mantes, Philippe d’Evreux doit être libéré selon les termes du traité, mais dans les faits, il n’en est rien.
Notons également, que les comtes de Foix-Béarn Gaston III Fébus et de Savoie Amédée VI (fiancé à la fille de la reine), figurent parmi les personnes « pardonnés » par le roi Jean à la suite des frères Navarre. Ils ont donc bien trempé dans le complot du côté du parti Navarrais. Dans le même temps, Charles le Mauvais, revenu en Normandie, y rencontre régulièrement le jeune Dauphin.


Le dauphin Charles

Le jeune Charles de Valois, dauphin de Viennois a 17 ans en 1355 et il est très remonté contre son père le roi Jean. En effet, il n’approuve pas du tout sa politique en Barrois contre l’Empereur, qui est aussi son oncle maternel. (La mère du dauphin, Bonne de Luxembourg, était la sœur de l’Empereur Charles IV et elle était morte de la peste en 1349).
Le dauphin Charles est certes le fils ainé et héritier du roi Jean de France, mais en tant que dauphin de Viennois, il est aussi vassal de l’Empereur Charles IV, puisque le dauphiné de Viennois fait partie du Saint-Empire Romain Germanique. Charles IV de Luxembourg n’étant pas encore complètement élu Empereur, le roi Jean utilise ce prétexte pour refuser au dauphin d’aller rendre hommage à son oncle pour son dauphiné et cela a également pour conséquence d’agacer encore plus l’Empereur.
Ajoutons à cela, que le comte de Savoie Amédée VI, vassal lui aussi de l’Empereur, vient d’abandonner ses fiançailles avec la fille de la reine, pour contracter une nouvelle alliance avec une fille du duc de Bourbon, allié au roi de France : Bonne de Bourbon, la sœur de la dauphine Jeanne de Bourbon, mettant un terme aux tensions qui subsistaient entre Savoie et Dauphiné, mais signifiant beaucoup d'ingérence de la part de la France en Savoie et en Dauphiné, sans consulter l'Empereur.
Le dauphin, lui, veut éviter de se mettre son oncle et futur Empereur à dos, et n’a qu’une seule crainte, celui de se faire confisquer son dauphiné, qui est à ce moment-là, sa seule source de revenus.


C’est alors que Charles le Mauvais entre en action durant ses rencontres avec le jeune dauphin. Profitant de la mésentente entre le père et le fils, Charles le Mauvais attise les braises. Il se fait du dauphin Charles un confident, et l’incite à la faute. Grâce à l’appui d’alliés au conseil du roi, Charles le Mauvais réussit à faire croire au jeune dauphin qu’il est en danger de mort face à son père, le roi Jean. Il est aidé en cela par un conseiller du roi, … le cardinal de Boulogne, encore lui ! Il réussit aussi à le convaincre que la politique de son père le roi est contre ses intérêts et obtient son soutien pour aller libérer son frère Philippe emprisonné en barrois. La dauphin Charles élabore ainsi un plan consistant à fuguer vers le barrois puis à Metz, à la rencontre de son oncle l’Empereur. Les objectifs réels de cette fuite ne sont pas clairement connus, mais il est possible de conclure qu’ils visaient le soutien de l’Empereur, pour la libération de Philippe de Navarre et l’hommage pour son dauphiné. Charles le Mauvais avait aussi très certainement des objectifs encore plus fallacieux, notamment contre le roi Jean. Mais là encore, les sources restent muettes, sinon que Charles le Mauvais avait envoyé des troupes en barrois afin de tenter de faire libérer son frère.

Le fait est que le projet de fugue du dauphin est découvert par le roi son père, mais qu’il ne punit pas son fils. Le dauphin Charles est fait duc de Normandie, augmentant ainsi considérablement ses revenus, et Philippe de Navarre est libéré en février 1356. Philippe de Navarre ne reviendra plus jamais en barrois dont il délaisse complètement la politique et sa comtesse d’épouse, Yolande ! Elle devra désormais se débrouiller seule.

Le banquet de Rouen et la prison pour Yolande

A la suite des évènements de fin 1355, ayant conduit et poussé le dauphin à la fuite et peut-être à la trahison contre son père, un banquet est organisé à Rouen, par le dauphin lui-même. En ce mois d’avril 1356, pour fêter son nouvel avènement de duc de Normandie, le dauphin Charles invite tous les barons normands à sa table, au château de Rouen.
En tant que comte d’Evreux, Charles le Mauvais est, bien entendu, convié avec son frère Philippe de Navarre. Masi de nouvelles révélations faites au roi Jean, poussent celui-ci à faire arrêter Charles le Mauvais et quelques-uns de ses partisans durant le banquet.
Tous sont exécutés sur le champ, sauf Charles le Mauvais qui est emprisonné d’abord à Château-Gaillard, ensuite au Louvre puis enfin au Chatelet. Son frère Philippe a pu, lui, se sauver in-extremis avant l’arrestation.
Allié des anglais, en mai 1356, Philippe de Navarre envoie alors sa lettre de défi au roi de France, qui relance la guerre.
Yolande, toujours considérée comme faisant partie du parti Navarrais, est, elle aussi, emprisonnée au Chatelet.

Le roi Jean prisonnier

La guerre reprend alors, jusqu’à la chevauchée du Prince Noir, fils ainé du roi d’Angleterre, qui aboutit à la bataille de Poitiers, le 19 septembre 1356 où le roi Jean est fait prisonnier. Il part à Londres.
Entre temps, Yolande avait été libérée ; Philippe de Navarre avait combattu du côté des anglais et Charles le Mauvais était toujours en prison.

La seconde moitié du règne du roi Jean devient alors l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de France : Révolte d’Etienne Marcel, Grande Jacquerie, évasion de Charles le Mauvais, invasion de la France par le roi Edouard III ; il s’en est fallu de peu pour que les Valois perdent leur trône. Mais le jeune dauphin Charles a admirablement bien su déjouer les pires scénarii.

Durant cette sombre période pour la France, Yolande s’efface, ou du moins est effacée des chroniques du temps. Son histoire revient sur le devant de la scène, durant le règne suivant, celui du dauphin Charles, désormais Charles V. Et elle reste tout autant mouvementée : emprisonnée sur ordre du roi Charles V, mésentente avec son fils Robert de Bar devenu beau-frère du roi, évasion du Temple, amie du comte de Flandre, ennemie du duc de Bourgogne, combattante pour ses terres qui lui reviennent de droit, douaires, apanages, héritages, Yolande reste sur tous les fronts, intraitable.

Mais cela sera l’objet d’un autre article, plus tard…



Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :

- BUBENICEK Michelle, Quand les femmes gouvernent – Droit et politique au XIVème siècle : Yolande de Flandre, Editions Ecole des Chartes, 2002, Paris.
(Ouvrage incontournable pour une biographie de Yolande de Flandre-Cassel : un bon petit pavé dont rien que la bibliographie ne fait pas moins de 31 pages !).
- MONNET Pierre, Charles IV, un Empereur en Europe, 2020, Fayard.
- BOGDAN Henry, La Loraine des ducs, Tempus, 2023.

- GAUVARD Claude, Le temps des Valois 1328-1515, Presses Universitaires de France, Paris, 2019.
- BOVE Boris, Le temps de la Guerre de Cent Ans 1328-1453, Belin, Paris, 2014.
- MINOIS Georges, La Guerre de Cent Ans, Perrin, Paris, 2010.
- FAVIER Jean, La Guerre de Cent Ans, Fayard, Millau, 2007.

- RAMIEZ de PALACIOS Bruno, Charles dit Le Mauvais, Editions La Hallebarde, Bruges (33), 2015.
- MEYER Edmond, Charles II Roi de Navarre, Comte d’Evreux et la Normandie au XIVème siècle, Editions des Régionalisme, Cressé, 2015.
- PIETRI François, Chronique de Charles le Mauvais, Editions Berger-Levrault, Paris, 1963.

- BORDONOVE Georges, Charles V 1364-1380, fils de Jean II le Bon, Pygmalion, Lonrai, 2012.
- BORDONOVE Georges, Jean II 1350-1364, fils de Philippe VI, Pygmalion, Lonrai, 2010.
- AUTRAND Françoise, Charles V, Fayard, Mesnil-sur-l’Estrée, 1994.
- DEVIOSSE Jean, Jean le Bon, Fayard, Condé-sur-l’Escaut, 1985.

- CAZELLES Raymond, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Mémoires et documents, Ecole des Chartes, 1982.
- DELACHENAL Roland, Chroniques des règnes de Jean II et Charles V, Société de l’histoire de France, 1909-1931.

- Chroniques de Jean Froissart, XIV ème siècle. Gallica.
- Chroniques de Jehan Le Bel, XIVème siècle. Gallica.
- Chroniques des quatre premiers Valois, anonyme, XIVème siècle. Gallica.

Illustrations :
- Image de couverture du livre : Quand les femmes gouvernent – Droit et politique au XIVème siècle : Yolande de Flandrede BUBENICEK Michelle.
- Carte de l'apanage de Cassel, extraite du livre : Quand les femmes gouvernent – Droit et politique au XIVème siècle : Yolande de Flandrede BUBENICEK Michelle.
- Armoiries du comté de Bar.
- Carte des territoires de Yolande dans le Perche, extraite du livre : Quand les femmes gouvernent – Droit et politique au XIVème siècle : Yolande de Flandrede BUBENICEK Michelle.
- Carte du douaire de Yolande dans le comté de Bar, extraite du livre : Quand les femmes gouvernent – Droit et politique au XIVème siècle : Yolande de Flandrede BUBENICEK Michelle.
- Arbre généalogique de la famille de Yolande.
- Chateau des ducs de Bar à Bar-le-Duc, extraite de wikipédia.
- Marie de Lorraine, extraite de wikipédia.
- Tour Heyblot de Bar-le-Duc, extraite de wikipédia.
- Charles II de Navarre dit « le Mauvais », extraite de wikipédia.
- Gravure de l'Abbaye de Longchamp, extraite de wikipédia.
- Chateau Saint-Jean de Nogent-le-Rotrou, extraite de wikipédia.
- Empereur Charles IV de Luxembourg, extraite de wikipédia.
- Gisant de Jeanne d'Evreux et Blanche d'Evreux-Navarre à la basilique Saint-Denis.
- Statue de Charles V exposée au Louvre.
- L'arrestation du roi de Navarre au château de Rouen, Chroniques de Froissart.
- La bataille de Poitiers, chroniques de Froissart.
- Sceau de Yolande de Cassel, comtesse de Longueville. Grand Sceau, 1381, (ADNord - Lille B. 479 n°10.860 – Cliché Populu).

Musique que j'aime :
- Ian Fontana, Runestones, 2022.

Auteure © Aurélie-Anne Brière-Seveau, tous droits réservés, 2023

Mentions légales : Ce site est hébergé par la société Hosteur dont le site web est http://www.hosteur.com située à l'adresse 2 avenue des déportés de la résitance 13100 Aix en Provence France