Les enfants terribles du roi d’Angleterre Edouard III
Si Edouard III est connu pour avoir été l’un des plus grands rois guerriers d’Angleterre à l’origine de la Guerre de Cent Ans,
on sait moins qu’il fut le père d’une nombreuse famille de 12 enfants,
dont les descendants se disputeront le trône au siècle suivant dans une guerre civile appelée La Guerre des Deux-Roses.
Comme père, Edouard III avait ses enfants favoris, et notamment ses deux ainés Edouard et Isabelle. Et ils surent très bien jouer de leur statut d’enfant chéri et préféré de leur père !
Le premier, Edouard, est né au Palais de Woodstock (Oxford) en juin 1330. Son père, le roi Edouard III n’avait pas encore 18 ans, sa mère, la reine Philippa de Hainaut en avait à peine 16.
Tout juste deux ans plus tard, naissait, dans ce même palais, la fille ainée du couple, Isabelle.
Tandis qu’ils grandissent choyés et entourés de serviteurs, leur adolescence devient un vrai chamboulement pour leur père quand il s’agit de les caser…
Edouard de Woodstock
Très tôt, le prince de Galles, Edouard de Woodstock est initié aux armes et à la chevalerie.
Il vient d’avoir 16 ans, lorsqu’il débarque sur les terres Normandes en juillet 1346 avec son père.
Tout juste armé chevalier à son débarquement, il commande une aile de l’armée anglaise dans la célèbre bataille de Crécy.
Au plus fort de l’affrontement, tandis qu’on rapporte au roi Edouard III que son fils a besoin d’aide pour sauver sa peau,
il n’hésite pas répondre « laissez le petit gagner ses éperons ! ».
Au final, l’issue de la bataille voit la déroute de l’armée française et la fuite de son infortuné roi de France Philippe VI de Valois.
La victoire est totale pour l’Angleterre et dès lors, le prince Edouard portera une armure noire.
L’histoire retiendra son surnom de « Prince Noir », même s’il ne fut jamais utilisé de son vivant.
Dix ans plus tard, à l’été 1356, le jeune prince de Galles Edouard a 26 ans, et n’est toujours pas marié.
Il y a bien eu plusieurs négociations de mariage, comme avec l’Infante d’Aragon Constance, mais aucune n’a abouti et l’Aragon reste l’alliée de la France.
De toutes façons, son cœur est déjà pris en Angleterre et Edouard n’est pas pressé de se marier.
Ses projets sont maintenant ceux de razzier tout le sud-ouest de la France, au départ de la base anglaise qu’est Bordeaux, dans le duché d’Aquitaine.
C’est le temps des terribles chevauchées du Prince Noir à travers tout le Languedoc et son lot de cendre,
de sang et de misère pour les paysans qui n’ont pu se barricader derrière les solides murailles des villes.
Le butin récolté de ces chevauchées est considérable, sans compter le nombre important de prisonniers, qui seront libérés après rançon.
L’or s’accumule à Bordeaux pour les Anglais et leurs alliés Gascons.
Puis enfin, la dernière chevauchée, celle qui aboutit à la bataille de Nouaillé-Maupertuis
(plus connue sous le nom de « Bataille de Poitiers ») voit consacrer le Prince Noir avec la capture du roi de France Jean II le Bon,
qui lui, contrairement à son père, n’aura pas connu la honte d’avoir fui le champ de bataille…
Avec la capture du roi de France, ainsi que de plusieurs hauts barons de France, il est temps de rentrer en Angleterre, profiter des largesses du roi Edouard III,
du butin accumulé et de retrouver sa chère adorée Joan…
Alors qui est cette chère et adorée Joan ?
Elle est la petite fille du roi d’Angleterre Edouard Ier et la fille d’Edmond comte de Kent, demi-frère du roi Edouard II.
Son père Edmond de Kent, est exécuté pour trahison par Isabelle de France reine d’Angleterre, mère d’Edouard III.
Elle est ensuite recueillie à la cour d’Angleterre, chouchoutée par la reine Philippa et grandi avec les enfants d’Edouard III.
À l’âge de 12 ans, elle se marie secrètement avec le baron Thomas Holland, qui part ensuite guerroyer en Flandre puis en Prusse pour les croisades.
Pendant ce temps en Angleterre, l’année suivante, son cousin Édouard III l’oblige à épouser le fils ainé du comte de Salisbury. Joan n’ose pas dire qu’elle est déjà mariée.
Les années passent et Joan qui est très jolie, inspire à Édouard III la création de l’ordre de la Jarretière : « Honi soit qui mal y pense ».
À cette époque les rumeurs disent qu’elle est sa maîtresse.
En réalité, il s’agit plutôt de la mère du comte de Salisbury, Catherine Grandison, qui accusera même le roi Edouard III de l’avoir violée...
Puis Thomas Holland revient en Angleterre et réclame sa femme....
Joan est obligée d’avouer et invoque la raison de son âge à l’époque de son premier mariage pour justifier le secret et la peur que son mari ait des ennuis si elle disait la vérité.
Édouard III est furieux mais pardonne...
Elle choisit de retourner vivre avec son premier époux mais le deuxième la retient prisonnière.
Finalement Édouard III fait appel au Pape. Le Pape tranche en faveur du premier époux et annule le deuxième mariage. Avec Thomas Holland, Joan a cinq enfants.
Alors où est-il ce Prince Noir au milieu de ces deux mariages, de cette nombreuse progéniture et d’un royal papa un peu aguicheur ?
Eh bien, Edouard de Woodstock joue le rôle de l’amoureux transis…
Il rapporte à Joan des trophées pillés de ses terribles chevauchées dans le sud de la France, lui écrit des poèmes, lui fait la cour.
Il est célébré en héros tandis qu’il ramène le roi de France Jean II prisonnier à Londres. Edouard et Joan sont-ils amants dès cette époque ?
Nul ne le sait… Mais au moment où le roi de France Jean II retourne en France pour sa libération Joan devient veuve de son premier mari.
Le Prince Noir veut l’épouser mais que nenni le roi Édouard III refuse.
Elle a déjà été mariée deux fois et l’un des mariages a été annulé, cela pourrait prêter à confusion sur la légitimité des futurs héritiers et de l’éventuel futur roi d’Angleterre.
Alors le prince noir et Joan de Kent se marient secrètement sans dispense papale et s’enfuient en Aquitaine, alors possession de l’Angleterre.
L’affaire s’ébruite et Édouard III est furieux…. Il refuse d’abord qu’elle ne soit princesse de Galles. Elle devient alors duchesse de Cornouailles.
Même le roi de France Jean II lui écrit son soutien et sa compassion, lui qui avait vécu la même histoire avec son fils rebêle,
le jeune Louis d’Anjou qui épousait secrètement Marie de Blois, quelques mois auparavant ! Louis d’Anjou a-t-il inspiré le Prince Noir ?
Finalement, Édouard III pardonne au fiston et le Pape accorde la dispense nécessaire. Le mariage officiel peut avoir lieu.
À Bordeaux et à Poitiers, le Prince Noir et Joan tiennent une cour brillante et très fastueuse.
Ils ont deux fils : Edouard d’Angoulême (mort jeune) et Richard de Bordeaux.
Mais le prince noir meurt en 1376 un an avant son père. Joan ne sera jamais reine d’Angleterre.
C’est leur fils Richard de Bordeaux qui succède à son grand-père Édouard III sous le nom de Richard II.
Quelques années plus tard Richard II s’embrouille avec son demi-frère Jean Holland et leur mère en meurt de chagrin.
Quant à sa demi-sœur Jeanne Holland elle épouse le duc de Bretagne Jean IV de Monfort, alors alliée de l’Angleterre contre la France.
Mais en digne fille de Joan de Kent, Jeanne Holland a trompé son mari le duc de Bretagne avec son meilleur ami Olivier de Clisson.
La brouille entre les deux hommes fera passer Clisson aux français du côté de Du Guesclin pour les plus grands bienfaits de la France !
Isabelle d’Angleterre
Isabelle d’Angleterre, fille ainée du roi Edouard III avait de qui tenir son caractère libre et indépendant.
Elle portait le prénom de sa grand-mère Isabelle de France, celle qui n’avait pas hésité à détrôner son mari,
le roi Edouard II à l’aide son amant Roger Mortimer et à qui Maurice Druon avait consacré le cinquième tome des Rois Maudits sous le titre de « La Louve de France ».
A 29 ans, Isabelle d’Angleterre n’était toujours pas mariée ;
fait très rare pour la fille ainée d’un roi d’Angleterre, et pour l’époque, quand alliance matrimoniale rime avec alliance politique.
Elle avait pourtant été fiancée avec le roi de Castille Pierre Ier le Cruel, mais suite au refus d’Isabelle,
c’est sa plus jeune sœur Jeanne, qui était parti se marier avant de mourir de la peste dans le sud de la France (Pierre Ier Le Cruel, roi de Castille, épousera finalement la malheureuse Blanche de Bourbon).
Ensuite un mariage avait été organisé avec Bernard d’Albret, frère du Sire d’Albret Arnaud Amanieu VIII (qui épousera Marguerite de Bourbon), mais au dernier moment, Isabelle avait changé d’avis.
En 1361, pendant que le Prince Noir prenait la fuite en Aquitaine avec son épouse secrète, sa sœur Isabelle n’était pas en reste en Angleterre dans ses péripéties amoureuses…
Le roi de France, Jean II le Bon avait été libéré, mais plusieurs barons de France avaient été obligés de prendre sa place en tant qu’otages,
le temps que le roi rassemble sa rançon de 3 millions de livres.
L’un des otages partis en Angleterre n’était autre que le Sire Enguerrand VII de Coucy.
Agé de 21 ans lorsqu’il arrive en Angleterre, il se fait tout de suite apprécier du roi Edouard III par sa prestance, ses manières de chevalier et son honneur sans faille.
Il participe à plusieurs tournois organisés par le roi Edouard, et est autorisé à se rendre en France durant son otagie,
ainsi que plusieurs autres otages afin de réunir leur rançon ou de participer à des missions diplomatiques.
Durant l’un de ses voyages en France, il n’est pas autorisé à prendre les armes contre les troupes du roi d’Angleterre,
mais il les prend contre les Jacques révoltés, qu’il n’hésite pas à massacrer.
Si Enguerrand a trouvé dans la personne du roi Edouard un ami, il demeure tout de même fidèle à la France et au roi Jean II.
Pourtant, il en est une autre qui est tombée sous le charme du jeune Sire de Coucy, c’est la fille du roi Edouard III, la princesse Isabelle.
Bien que plus âgée que lui de 8 ans, elle l’a décidé, ce sera lui et personne d’autre.
Après tout, si son frère le Prince Noir avait pu choisir son mariage, pourquoi pas elle aussi.
Enguerrand était-il lui aussi amoureux de la princesse Isabelle ? Est-ce un caprice à sens unique ?
Quoi qu’il en soit, le roi Edouard III cède à la demande de sa fille chérie et autorise le mariage.
Quant à Enguerrand, lui, ne saurait refuser la main de la fille ainée d’un roi.
Afin que sa fille puisse mener grand train, le roi Edouard, accorde de nombreuses terres au couple en Angleterre et efface la dette de la rançon d’Enguerrand qui est libéré.
Isabelle et Enguerrand se marient à l’été 1365 à Windsor, puis partent pour la France. Ils auront deux filles ensemble : Marie et Isabelle.
Durant tout le temps de son mariage, Enguerrand ne portera jamais les armes contre l’Angleterre, ni contre la France d’ailleurs.
Isabelle repart en Angleterre vers 1377 pour assister les derniers instants de la vie de son père, le roi Edouard III.
Son petit-fils, Richard II devient roi d’Angleterre à l’âge de 10 ans.
Tandis qu’Isabelle reste en Angleterre les années suivantes, elle disparait dans d’étranges circonstances tenues secrètes quand les oncles du jeune roi se disputent le pouvoir
avec les membres du Parlement et qu’Enguerrand renonce à toutes ses possessions anglaises.
Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
- GOODMAN Anthony, Joan, the Fair Maid of Kent, 2017, Boydell Press.
- LAWNE Penny, Joan of Kent, The First Princess of Wales, 2015, Amberley Publishing .
- LEBEGUE Antoine, Le Prince Noir et sa Légende, 2012, Editions Sud-Ouest.
- ORMROD W. Mark, Edward III, 2011, Yale University Press.
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