A sa naissance en 1324, rien ne la prédestine à une vie si mouvementée et tragique. A cette époque, le dernier roi capétien Charles IV règne sur la France
et il vient de se remarier pour la troisième fois avec sa jeune cousine Jeanne d’Evreux, dans l’espoir d’avoir un fils pour lui succéder.
Puis il s’occupe de sa popularité par un long voyage en Languedoc entre deux confiscations du duché de Guyenne au roi anglais Edouard II.
En Bretagne le duc Jean III règne mais n’a pas d’enfant. Par contre, le duc Jean III a un frère, Guy comte de Penthièvre ainsi qu’un plus jeune demi-frère, Jean comte de Montfort.
Jeanne de Penthièvre est l’unique enfant de Guy de Penthièvre. Et si dans un premier temps, tous les espoirs sont permis pour Guy de Penthièvre ou pour le duc Jean de Bretagne
à avoir des fils, très vite, les choses vont dégénérer et Jeanne va se retrouver au cœur de toutes les préoccupations bretonnes, françaises et anglaises.
En effet, sa mère meurt alors qu’elle n’a que 3 ans, puis son père, 4 ans plus tard, meurt à son tour en 1331, sans autre enfant, malgré un second mariage dont nous reparlerons.
Jeanne devient donc l’unique héritière des Penthièvre mais également du duc de Bretagne qui n’a toujours pas d’enfant.
Dès lors, le mariage de Jeanne devient une préoccupation constante pour le duc de Bretagne et ses barons bretons, mais également pour ses voisins directs anglais et français.
Entre temps, le roi de France Charles IV est mort sans héritier, c’est la fin des capétiens directs. Philippe VI de Valois devient roi de France et si la guerre de Cent Ans
n’a pas encore commencé, les tensions n’en sont pas moins vives dans le royaume de France avec un roi Valois fortement contesté.
Comme futur mari, pour Jeanne de Penthièvre, on pense d’abord au petit Charles d’Evreux-Navarre. Il est le neveu de la reine douairière de France Jeanne d’Evreux,
mais aussi le fils d’un prince du Sang Philippe d’Evreux et de Jeanne de France elle-même fille du roi Louis X le Hutin.
Plus tard, Charles de Navarre sera l’un des plus grands ennemis des Valois et l’histoire retiendra son surnom de Charles le Mauvais…
Pour l’heure, Charles n’est qu’un bambin dans les langes et c’est bien cela le problème, Jeanne devra avoir un mari fort, prêt à combattre pour le duché de Bretagne.
D’autre part, les Valois voient d’un mauvais œil cette alliance risquée entre une Bretagne quasi indépendante et une famille d’Evreux-Navarre qui pourrait bien contester
le trône de France… Le roi de France Philippe VI de Valois fait échouer le projet.
Le duc Jean III de Bretagne, toujours dépourvu d’enfant, se tourne alors vers l’Angleterre pour trouver un mari à sa nièce, dont il est le tuteur.
Le frère du nouveau roi Edouard III d’Angleterre, Jean d’Eltham, comte de Cornouailles est pressenti pour ce mariage.
Mais le malheureux meurt à l’âge de vingt ans d’une fièvre en combattant les écossais.
C’est finalement le roi de France Philippe VI de Valois qui propose un candidat pour le mariage : son neveu Charles de Blois.
Charles de Blois est un cadet de la Maison de Chatillon-Saint-Pol ; il est le second fils de Guy Ier de Chatillon, comte de Blois et de Marguerite de Valois,
une des nombreuses sœurs du roi Philippe VI de France.
Un cadet sans prestige mais proche de la famille royale, libre et valeureux combattant. Par ailleurs, il a l’âge requis pour le poste.
Le 4 juin 1337, à l’âge de dix-huit ans, Charles de Blois épouse donc Jeanne de Penthièvre qui a tout juste treize ans.
Le mariage a lieu à Paris, et selon la légende, ce serait durant ces festivités qu’un certain jeune Bertrand Du Guesclin fait reconnaitre sa valeur au combat lors des tournois.
Du Guesclin restera pour toujours un fidèle de la Maison de Penthièvre qui a fait de lui un chevalier.
Si Charles de Blois est un valeureux combattant, il n’en reste pas moins une personnalité énigmatique.
Bien plus tourné vers la religion que vers la guerre, c’est sous les injonctions d’une épouse, boiteuse, revêche et déterminée, pour ne pas dire entêtée et butée,
que Charles partira sans cesse combattre pour le trône de sa femme, jusqu’à la mort. Bigot et effacé, Charles ne quittera un cilice infesté de vermines que lorsqu’il rejoindra
le lit de Jeanne.
Néanmoins, ce couple controversé aura six enfants, quatre fils et deux filles, dont l’une d’elle est la trop jolie Marie de Blois.
A sa mort, un procès en canonisation sera débuté, mais jamais achevé. Il sera béatifié en 1904.
Lorsque le duc Jean III meurt sans enfant en 1341, c’est tout naturellement que Charles de Blois se tourne vers son oncle, le roi de France Philippe VI de Valois
et lui prête hommage pour le duché de Bretagne au nom de son épouse Jeanne de Penthièvre.
L’affaire aurait pu en rester là, mais c’est alors qu’un autre prétendant au duché de Bretagne fait valoir ses droits.
Il s’agit de Jean de Monfort, demi-frère du feu duc Jean III.
En effet, Jean III n’avait pas laissé de consignes à sa mort pour sa succession au trône, mais chacun sait qu’il détestait son demi-frère et sa mère la duchesse Yolande de Dreux.
Jean de Monfort réclame le duché en tant que parent le plus proche du défunt duc, il est son demi-frère, quand Jeanne de Penthièvre n’est que sa nièce.
D’autres parts, de nombreux barons bretons ne sont pas ravis de voir l’influence française gagner du terrain en Bretagne par un duc, neveu du roi de France,
et préfèrent donc rallier le camp Montfortiste.
L’affaire doit donc être jugée à Paris, puisque le roi de France est le suzerain du duc de Bretagne. Sans surprise, Charles de Blois est déclaré duc de Bretagne.
Entre temps, Jean de Monfort, lui aussi poussé par une épouse au tempérament intrépide et inébranlable rejoint Nantes, capitale du duché et s’assure la prise de plusieurs places fortes.
Pour couronner le tout, Jean de Monfort s’appuie sur le roi d’Angleterre en le reconnaissant comme son suzerain (roi de France) pour le duché de Bretagne.
Ainsi nait la guerre de Succession de Bretagne, entre le camp des Blésistes, représenté par l’épouse de Charles de Blois Jeanne de Penthièvre dite la Boiteuse et soutenu par la France ;
et le camp des Montfortistes, soutenu par les anglais et représenté Jean de Monfort puis son épouse Jeanne de Flandres, dite Jeanne la Flamme, qu’il convient maintenant de présenter.
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Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
- CHOFFEL Jacques, La Guerre de Succession de Bretagne, 1975, F. Lanore.
- CASSARD Jean-Christophe, Charles de Blois, 1319/1364, 1994, Centre de Recherche Bretonne et Celtique ; Unité associée du CNRS.
- JONES Michael, La Bretagne ducale sous le règne de Jean IV, 1998, Presses Universitaires de Rennes.
- KERVRAN Marcel, Les grandes heures de Jean de Montfort et Jeanne La Flamme, 1981, Joseph Floch.
- LASSABATERE Thierry, Du Guesclin, Vie et fabrique d’un héros médiéval, 2015, Perrin.
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- Soazig, Ar Soudarded, 1997, Horizons Celtiques.
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