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Philippe Ier de Rouvres, duc de Bourgogne (1346-1361)

Philippe Ier duc de Bourgogne, ou bien appelé Philippe de Rouvres, est un prince issu de la dynastie Capétienne, qui a hérité de nombreux fiefs, dont le duché de Bourgogne.
La mort prématurée du jeune garçon en 1361 à l’âge de 15 ans, entraine une succession difficile de l’ensemble de ses terres, dont les conséquences jetteront, au siècle suivant, les bases de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.


Philippe de Rouvres est donc né le 5 août 1346 au château de Rouvres-en-Plaine, au sud-est de Dijon. Il a déjà deux sœurs ainées, Jeanne née en 1344 et Marguerite née en 1345. Mais dès les premiers jours de sa naissance, le sort s’acharne contre cet enfant, qui perd son père le 10 août 1346, au siège d’Aiguillon et sa sœur Marguerite quelques mois plus tard.
Mais ces morts présentes autour de lui, feront de ce jeune héritier, un des princes les plus riches de son époque.


Le duché de Bourgogne

Philippe de Rouvres (1346-1361) est le fils unique de « Philippe Monseigneur » de Bourgogne (1323-1346) et le petit-fils unique du duc de Bourgogne Eudes IV (1295-1349).
La dynastie de ces ducs de Bourgogne remonte en lignée directe et masculine jusqu’à Robert de France (1011-1076), frère du roi de France Henri Ier (1008-1060) qui accorde à son frère cadet, le premier apanage de la couronne, le duché de Bourgogne.

Un apanage est un fief accordé aux princes cadets (fils, frères, neveux…) de la lignée royale en échange du renoncement à la couronne. Mais un apanage est (en principe) amené à retourner à la couronne, c’est-à-dire au domaine royal, en cas d’absence d’héritier direct, ce qui diffère des fiefs classiques, obtenus par héritage et qui peuvent être transmis par cousinage, plus ou moins éloigné.

Depuis le XIIème siècle, le duché de Bourgogne est également une pairie. Le rôle d’un pair de France est à l’origine celui de choisir le souverain, (avant que la règle ne devienne celle de la primogéniture), c’est également celui de soutenir la couronne, de choisir une régence au besoin, et d’assurer la succession au trône.
Le duc de Bourgogne est le premier pair de France.

Philippe de Rouvres devient duc de Bourgogne et premier pair du royaume, à l’âge de 3 ans, en 1349 à la mort de son grand-père paternel le duc Eudes IV (son père Philippe Monsieur était déjà mort avant son grand-père).


Le comté de Bourgogne (ancienne Franche-Comté, dite « la Comté-Franche »)

Philippe de Rouvres est également comte Palatin de Bourgogne, dont il a hérité du comté en 1347, de sa grand-mère paternelle, Jeanne de France (1308-1347), épouse du duc de Bourgogne Eudes IV et mère de « Philippe Monsieur » de Bourgogne.

Le comté Palatinat de Bourgogne correspond à l’ancienne Franche-Comté avec comme villes principales, Dôle, Besançon et Neufchâtel.
Il y a donc deux Bourgogne : le duché de Bourgogne qui a comme capitale Dijon, en terre de France et dont le duc est vassal du roi de France ; et le comté Palatinat de Bourgogne en terre d’Empire, qui a pour capitale Dôle, dont le comte est vassal de l’empereur du Saint-Empire Romain Germanique.
La frontière entre la France et l’Empire se situe entre les deux Bourgogne.

Le comté Palatinat de Bourgogne est un fief très ancien qui remonte à l’époque carolingienne et fait partie des résidus de l’ancien royaume Burgonde de l’époque Mérovingienne.
Ce n’est pas un apanage mais bien un fief transmissible de père en fils, parfois en cousinage et également par les femmes.
Les familles d’Ivrée (Anscarides), de Hohenstaufen, d’Andechs et de nouveau d’Ivrée, se succèdent à la tête de ce comté depuis le Xème siècle, au gré des mariages, jusqu’au comte de Bourgogne Othon IV d’Ivrée (1248-1303).

Le comte de Bourgogne Othon IV est favorable à un rapprochement avec la France et épouse une princesse française, Mahaut d’Artois (1269-1329).
Dans la même continuité politique, Othon IV promet sa fille ainée Jeanne de Bourgogne (1291-1330) en mariage au second fils du roi de France Philippe IV le Bel : le futur roi Philippe V le Long.
Par le traité d’alliance de Vincennes signé en 1295, Othon accorde le comté Palatinat de Bourgogne comme dot à sa fille Jeanne de Bourgogne.
Malgré la naissance, cinq ans plus tard, en 1300, d’un fils, Robert de Bourgogne, et la rédaction en 1302 d’un testament le désignant comme son héritier, sauf du comté de Bourgogne qui doit revenir à Jeanne, la mort prématurée d’Othon en 1303 et son testament, empêche Robert d’hériter du comté de Bourgogne.
Le roi Philippe IV le Bel garde la main sur la Bourgogne Palatine pour son fils cadet qui épouse effectivement Jeanne de Bourgogne en 1307. Robert meurt en 1317 sans avoir hérité de la Bourgogne.

Entre temps, la fille cadette d’Othon et Mahaut, Blanche de Bourgogne (1296-1326), a épousé en 1308 le dernier fils du roi Philippe IV le Bel : le futur roi Charles IV le Bel. Mais en 1314 éclate l’affaire de la tour de Nesle condamnant Blanche pour adultère et sa sœur Jeanne pour complicité. L’épouse du fils ainé du roi, Marguerite de Bourgogne (sœur du duc de Bourgogne Eudes IV) est également condamnée pour adultère.

Privé d’une solide descendance par l’inconduite de sa première femme Marguerite, le roi Louis X le Hutin, fils ainé du roi Philippe le Bel à qui il succède en 1314, meurt en 1316.
Son frère Philippe V le Long s’empare du pouvoir et du trône de France au détriment de la fille de Marguerite et (supposément) de Louis X.
La prise de pourvoir par Philippe V est alors contestée, notamment par le frère de Marguerite, le duc Eudes IV de Bourgogne et premier pair de France, favorable à sa jeune nièce, la fille de Marguerite.
C’est alors pour s’allier le duc Eudes de Bourgogne que Philippe V le Long lui offre sa fille ainée Jeanne de France, en mariage avec pour dot le comté de Bourgogne.
Cette Jeanne de France, (fille ainée de Philippe V) et Eudes IV duc de Bourgogne se marient et sont les grands-parents paternels de notre Philippe de Rouvres.
Par ce traité d’alliance, le comté de Bourgogne a donc le statut de dot pour la Bourgogne après avoir eu celui de dot pour la France.
Les statuts « d’apanage », de « fiefs d’héritage » ou de « dot » avec les traités de transmissions sont importants pour comprendre les méandres de la succession de Philippe de Rouvres…

L’union du duc de Bourgogne Eudes IV avec Jeanne de France, comtesse de Bourgogne avait donc pour but de réunir les deux Bourgogne et d’augmenter l’ère d’influence française vers l’Est.

Le père de Philippe de Rouvres étant mort avant ses deux parents, on a vu qu’il avait hérité du duché de Bourgogne à l’âge de trois ans (1349) mais avait aussi hérité du comté de Bourgogne au décès de sa grand-mère à l’âge d’un an (1347).
Sa mère devient régente du comté de Bourgogne en 1347 et cela ne va pas sans peine. En effet, les barons du comté de Bourgogne, profitent de la situation d’affaiblissement spécifique aux régences pour se révolter et tenter d’obtenir plus de pouvoir, ce qu’ils finissent par obtenir, par l’ordonnance de 1349 : le droit à s’associer au gouvernement du comté.


Le comté d’Artois

La situation du comté d’Artois est similaire à celle du duché de Bourgogne.
Il s’agit d’un apanage accordé à Robert de France (1216-1250), premier frère du roi Louis IX (Saint-Louis), en 1237.
Son fils le comte Robert II d’Artois lui succède jusqu’à sa mort 1302. Le comté d’Artois devient une pairie en 1297 sous le règne du roi Philippe IV le Bel.

Philippe, fils du comte Robert II meurt avant son père en 1298, laissant un jeune fils de 11 ans, Robert III, privé de son héritage face à sa tante Mahaut d’Artois, fille de Robert II.
La querelle concernant l’héritage du comté d’Artois entre Robert III d’Artois et sa tante Mahaut est à la base de l’intrigue principale des héros du roman « Les Rois Maudits » de Maurice Druon.
En effet, la comtesse Mahaut s’appuie sur la coutume du comté d’Artois pour récupérer l’héritage, à savoir qu’il revient au plus proche parent du défunt.
Le défunt en 1302 est le comte Robert II, père de Mahaut, qui n’est que le grand-père de Robert III. Robert III conteste en 1309 et 1318, mais la cours des pairs, apte à juger les princes et haut-barons, statue en faveur de Mahaut pour les deux procès.

Comme vu dans le paragraphe précédent, Mahaut d’Artois a épousé le comte Palatin de Bourgogne, Othon IV et a un fils qui perd l’héritage du comté de Bourgogne au profit de sa sœur Jeanne de Bourgogne (épouse de Philippe V).
En revanche, le comté d’Artois devait bien lui revenir, mais il meurt en 1317 avant sa mère Mahaut.
Finalement, Jeanne de Bourgogne devient l’héritière du comté d’Artois en 1317, sans que cela ne soit une dot apportée à son mari le roi Philippe V, qui meurt en 1322, tandis que Mahaut est toujours comtesse d’Artois jusqu’à sa mort en 1329.
Robert III réclame un nouveau procès contre la fille de Mahaut, nouvelle comtesse de Bourgogne, Jeanne de Bourgogne, qui meurt en début d’année 1330.
Et c’est la fille ainée de Jeanne de Bourgogne et de Philippe V qui réclame le comté de Bourgogne.
Nous avons vu que cette fille ainée était Jeanne de France l’épouse du duc de Bourgogne Eudes IV qui avait déjà apporté en dot à son mari le comté Palatinat de Bourgogne de sa mère.

A ce moment, le roi de France est Philippe VI de Valois, et il est plutôt en faveur de Robert III pour le procès qu’il intente. Cependant, il est avéré que Robert III produit des faux documents et le comté est donc attribué à Jeanne de France, comtesse de Bourgogne, l’épouse du duc Eudes IV.
Le couple Eudes IV et Jeanne de Bourgogne, grands-parents paternels de Philippe de Rouvres, se retrouvent donc en possessions du duché et du comté Palatinat de Bourgogne, ainsi que du comté d’Artois.

Philippe de Rouvres hérite du comté d’Artois en 1347, à l’âge de 1 an, à la mort de sa grand-mère, en même temps que le comté Palatinat de Bourgogne. Sa mère en est la régente.


Le comté d’Auvergne

Après avoir vu l’héritage de Philippe de Rouvres du côté paternel, avec la transmission des deux Bourgogne et de l’Artois, regardons maintenant du côté maternel.
La mère de Philippe de Rouvres est la comtesse Jeanne Ière d’Auvergne (1326-1360). Elle est la fille unique du comte d’Auvergne Guillaume XII (1300-1332), dont elle hérite à l’âge de 6 ans.

L’origine du comté d’Auvergne est très ancienne. Elle remonte au IXème siècle, à l’époque carolingienne où pour la première fois, nous avons des traces d’un certain Armand, vicomte d’Auvergne. Puis la transmission est très simple, puisque la vicomté, puis le comté (à partir du Xème siècle), a toujours été transmis de père en fils, en ligne directe jusqu’à Guillaume XII, le grand-père de Philippe de Rouvres.

La mère de Philippe de Rouvres, Jeanne Ière, est donc la première femme à porter ce titre en propre. Elle meurt en 1360 et Philippe de Rouvres devient également comte d’Auvergne. Le comté d’Auvergne est donc un fief obtenu par héritage.

Notons que le comté d’Auvergne n’est pas à confondre avec le dauphiné d’Auvergne. En effet, le dauphin d’Auvergne est issu d’une branche cadette de la famille comtale. Les deux branches se sont scindées au XIIème siècle et le dauphin d’Auvergne, qui possède des terres dans le comté d’Auvergne, est vassal du comte d’Auvergne.

Le comté de Boulogne

Dernier héritage de Philippe de Rouvres, le comté de Boulogne (sur-Mer), arrive dans la famille des comtes d’Auvergne par mariage au XIIIème siècle.

Le comté de Boulogne est créé au Xème siècle, par le comte de Flandre Baudoin II, pour son fils cadet Adalolphe (ou Aethelwulf), alors que l’ainé obtient le comté de Flandre. Le principe des apanages n’existait pas encore et les deux territoires sont séparés et distinctes. Le comte de Boulogne ne doit pas l’hommage des vassaux au comte de Flandre.
Le comté de Boulogne est alors transmis en ligne directe de père en fils jusqu’au comte de Boulogne Eustache III (1050-1125). La suite de l’histoire de ce comté est un peu plus rocambolesque.

Le comte de Boulogne Eustache III participe à la première Croisade avec ses frères, Godefroy de Bouillon qui fonde le royaume de Jérusalem et Baudoin de Boulogne, Ier roi de Jérusalem. Dès lors, la famille de Boulogne est l’une des plus prestigieuse de l’occident médiéval.
Seulement, Eustache et ses frères n’ont pas de fils. Ainsi, c’est Mathilde de Boulogne (1103-1152), fille unique du comte Eustache III, qui hérite du comté de Boulogne en 1125.
La même année, Mathilde Ière de Boulogne épouse Etienne de Blois (1092-1154), troisième fils du comte de Blois et d’Adèle de Normandie, elle-même fille de Guillaume le Conquérant.
Et c’est en tant que petit-fils de Guillaume le Conquérant, qu’Etienne de Blois s’empare du trône d’Angleterre en 1135 à la mort de son oncle le roi d’Angleterre, Henri Ier Beauclerc, fils de Guillaume le Conquérant.
La comtesse Mathilde Ière de Boulogne, fille du comte Eustache III, devient donc reine d’Angleterre par mariage.

Cependant, Mathilde l’Emperesse, fille du roi d’Angleterre Henri Ier Beauclerc, revendique le trône d’Angleterre et une guerre civile s’ensuit. Finalement, Etienne de Blois, garde le trône d’Angleterre sa vie durant, mais désigne le comte d’Anjou Henri Plantagenêt, fils de Mathilde l’Emperesse, héritier du trône anglais. Dès lors, les Plantagenêts récupèrent le trône anglais et les enfants d’Etienne de Blois et de Mathilde Ière de Boulogne gardent le comté de Boulogne.

Les deux fils de Mathilde Ière de Boulogne et Etienne de Blois se succèdent en tant que comte de Boulogne, mais meurent sans héritier. Leur sœur, Marie de Blois, qui est nonne puis abbesse, devient comtesse de Boulogne en 1159 au moment où elle est enlevée de son couvent par Mathieu d’Alsace qui l’épouse de force.
Deux filles naissent de cette union, Ide et Mahaut avant que le mariage ne soit annulé par le Pape, suite à l’excommunication du couple. Si Marie retourne dans son couvent, Mathieu d’Alsace continue d’être comte de Boulogne jusqu’à sa mort en 1173.

Sa fille ainée, Ide de Boulogne (ou Ide d’Alsace) devient donc comtesse de Boulogne en 1173. La comtesse Ide de Boulogne s’était mariée deux fois sans postérité avant de préparer son troisième mariage avec Arnould II de Guînes, quand elle est, elle aussi, victime d’un enlèvement par le comte Renaud de Dammartin, (ami d’enfance du roi Philippe II Auguste), qui l’épouse de force.
Une fille, Mathilde II de Dammartin, nait de cette union. Elle devient comtesse de Boulogne et épouse le fils cadet de Philippe Auguste, Philippe de Hurepel. Veuve, elle se remarie avec le roi Alphonse III de Portugal. Des enfants naissent de ces deux mariages, mais ils meurent sans postérité. La filiation de Ide de Boulogne s’arrête donc en 1259.

La succession du comté de Boulogne devient un enjeu d’importance, que plusieurs prétendants se disputent.
La comtesse Ide de Boulogne avait eu une sœur, Mahaut qui avait épousé le duc de Brabant Henri Ier le Guerroyeur et plusieurs enfants étaient nés de ce mariage. Ainsi en 1259, plusieurs descendants de Mahaut revendiquent le comté de Boulogne, ainsi que le roi de France Saint-Louis au nom de son oncle Philippe de Hurepel, et des descendants la famille de Dammartin.
L’affaire est portée au Parlement de Paris qui attribue le comté en 1262 à Adélaïde de Brabant, fille de Mahaut de Boulogne et du duc Henri Ier de Brabant.

Adélaïde de Brabant (1190-1265), épouse du comte d’Auvergne Guillaume X (1195-1247), hérite donc du comté de Boulogne et le transmet à sa mort en 1265, à son fils le comte Robert V d’Auvergne.

Dès lors, le comté de Boulogne reste au sein de la famille d’Auvergne et est transmis de père en fils, en même temps que le comté d’Auvergne, jusqu’à Jeanne Ière d’Auvergne.
Jeanne Ière d’Auvergne, comtesse d’Auvergne et de Boulogne, meurt en 1360 et transmet à son fils Philippe de Rouvres, le comté de Boulogne en même temps que le comté d’Auvergne. Le comté de Boulogne est donc aussi un fief obtenu par héritage.

La courte vie de Philippe de Rouvres

Orphelin de père en 1346 à l’âge de 5 jours, comte de Bourgogne et d’Artois en 1347 à l’âge d’un an et duc de Bourgogne et premier pair de France en 1349 à l’âge de 3 ans, Philippe de Rouvres a déjà un statut politique au sein d’une France qui démarre mal la Guerre de Cent Ans.
L’année de sa naissance, 1346, correspond au siège manqué de la ville d’Aiguillon (où son père meurt d’une chute de cheval) mais aussi à la désolante bataille de Crécy ; l’année 1347 voit se terminer le terrible siège et la perte de la ville de Calais ; tandis que les années 1348 et 1349 voient déferler l’épidémie de peste noire sur le pays, qui emporte son grand-père le duc Eudes IV (1295-1349) ; la reine de France qui est aussi sa grand-tante, Jeanne de Bourgogne (1293-1349), sœur de Eudes IV ; et la duchesse de Normandie Bonne de Luxembourg (1315-1349) qui est l’épouse de l’héritier au trône de France, le futur roi Jean II le Bon (1319-1364).

Si la mère de Philippe de Rouvres, la comtesse Jeanne Ière d’Auvergne et de Boulogne, prend en main l’héritage des deux Bourgogne et de l’Artois au nom de son fils, elle reste fragilisée par son statut de riche et jeune veuve (20 ans en 1346).
Dès lors l’idée d’un remariage est envisagée et l’occasion se présente en 1350, avec le futur roi de France Jean II le Bon, lui-même veuf de Bonne de Luxembourg.

Quelques mois plus tard, Jean II le Bon devient roi de France. Philippe de Rouvres, beau-fils du nouveau roi de France et doyen des pairs du royaume, est adoubé chevalier par le roi lui-même, à l’âge de 4 ans, en la cathédrale de Reims, le 26 septembre 1350, jour du sacre du roi de France Jean II le Bon et de sa mère la reine Jeanne Ière d’Auvergne, en même temps que les deux premiers fils du roi et d’autres seigneurs.

Le roi Jean II le bon s’occupe alors des territoires de son beau-fils tel un régent et sans difficulté en les distinguant des affaires du royaume, et ce, jusqu’à la bataille de Poitiers en 1356, où il est capturé et emmené à Bordeaux puis à Londres.
La reine Jeanne d’Auvergne, reprend alors la régence des territoires de son fils durant la captivité du roi.

Dès 1351, un projet de mariage avait été envisagé pour Philippe de Rouvres et celui-ci a effectivement lieu en 1357, durant la captivité du roi, avec Marguerite de Male. La très jeune mariée a 7 ans, Philippe de Rouvres, 11 ans. Marguerite de Male est la fille unique et héritière de Louis II de Male, comte de Flandre, de Nevers et de Rethel. Ces trois comtés sont donc amenés à être un jour ajouté au très riche héritage de Philippe de Rouvres, lorsque Marguerite héritera de son père.
Mais les choses ne se passent pas toujours comme prévu.
Trois ans plus tard, en 1360, le roi Jean II est sur le point d’être libéré quand l’épidémie de peste revient.
C’est la « deuxième vague », selon un terme qui nous est maintenant familier. Et cette deuxième vague emporte la sœur puis quelques jours plus tard, la mère de Philippe de Rouvres qui se trouvent alors dans le comté de Bourgogne. La reine n’a donc pas revu le roi qui retrouve son royaume fin 1360.

Philippe de Rouvres, désormais majeur (14 ans) devient comte d’Auvergne et de Boulogne. Puis l’année suivante, une nouvelle vague emporte cette fois Philippe de Rouvres, le 21 novembre 1361, au château de Rouvres où il était né. Il avait 15 ans.


Le mariage de Philippe de Rouvres avec Marguerite de Male, désormais veuve et âgée de 11 ans, n’ayant pas été consommé charnellement, il meurt sans héritier. Philippe de Rouvres avait déjà perdu ses sœurs ; ses parents avaient été des enfants uniques, il n’a donc jamais eu ni oncle, ni tante, ni cousin germain, ni neveu ou nièce. Sa succession devient donc complexe.

Sa veuve, Marguerite de Male, n’a évidemment droit à rien du tout. Traditionnellement, les veuves de cette époque ont au moins droit à un douaire, dont le contenu est précisé dans le contrat de mariage. Le douaire peut prendre la forme de rentes financières ou de territoires dont la veuve garde l’usufruit jusqu’à sa mort ou éventuellement son remariage ; mais le douaire ne devient effectif qu’après consommation dudit mariage, sans quoi le mariage ne peut pas être considéré comme valable. Au douaire peut s’ajouter des éventuels dons du mari offerts de son vivant à sa femme, ou bien par le biais du testament. Veuve, Marguerite repart donc en Flandre auprès de son père, sans son douaire, sans don, mais avec sa dot.

Frappé de maladie et sentant la mort venir, Philippe de Rouvres a néanmoins eu le temps de rédiger un court testament, le 11 novembre 1361, pour lequel nous ne savons pas, à quel point, le roi Jean II ou ses conseillers ont pu l’influencer, mais il est certain que le roi suivait de près l’évolution de la maladie du duc et était mis au courant de ses derniers instants.
Le testament précisait donc : « Item, ordonnons et instituons nos hoirs en notres paiis et biens quelqu’ils seront ceux et celles qui par droit ou coustumes du paiis le devent ou puent estre ». Traduit ainsi : « (Nous) ordonnons et instituons nos héritiers en nos terres et pays et biens, quels qu’ils seront ceux et celles qui, par droit ou coutume de pays, le doivent et le peuvent être ». En d’autres termes, Philippe de Rouvres renvoie au droit coutumier ou écrit de chacune de ses terres (pays), pour désigner les différents héritiers. Il n’y aura donc pas un seul héritier, son héritage sera éclaté.


Les comtés d'Auvergne et de Boulogne

Il s’agit sans aucun doute de la succession la plus simple de Philippe de Rouvres. Ces deux comtés lui venaient de sa mère, Jeanne Ière comtesse d’Auvergne et de Boulogne. Ayant été dans la même famille depuis plusieurs générations, il n’y a aucune contestation, lorsque Jean d’Auvergne, oncle de Jeanne Ière, réclame cette part de succession.
Le père de Jeanne Ière, Guillaume XII, avait eu plusieurs demi-frères. Le premier demi-frère de Guillaume XII, Guy d’Auvergne, était devenu cardinal. Il est plutôt connu sous le nom de « cardinal de Boulogne » et a été durant de longues années, un conseiller du roi Jean II, mais aussi un sympathisant du parti Navarrais qui a fait tant de tort au roi Jean II, à son fils le roi Charles V et à la France de manière générale. En tant qu’homme d’Eglise et avec des frères, il ne peut prétendre à être comte.
Le second demi-frère de Guillaume XII est Jean, déjà comte de Monfort, il devient le comte Jean Ier d’Auvergne et de Boulogne en 1361.

A Jean Ier succèdera son fils Jean II comte d’Auvergne et de Boulogne en 1386, puis la fille unique de ce dernier : Jeanne II d’Auvergne et de Boulogne, en 1404.


Cette Jeanne II épouse en 1389, en premières noces, le duc de Berry, troisième fils du roi Jean II le Bon à l’âge de 12 ans, quand son époux en a presque 50 ! Elle est connue également pour avoir sauvé des flammes le roi Charles VI lors du Bal des Ardents (1393), en étouffant le feu qui risquait de le consumer, en le cachant sous sa robe ! La tragédie lui fait perdre dans ce même bal, son ami d’enfance Yvain de Béarn, brulé vif, il était le fils bâtard du comte de Foix Gaston III Fébus, avec qui elle a grandi à la cour d’Orthez.
Elle épouse ensuite le terrible Georges Ier de la Trémoille, grand chambellan de France, qui, comme son premier époux, achève de la dépouiller de son héritage. Elle meurt ruinée en 1424, après avoir été accusée d’être une faussaire et condamnée pour lèse-majesté.


Le duché de Bourgogne

Le duché de Bourgogne avait été un apanage de longue date et avec la mort du dernier duc capétien, il aurait normalement dû revenir à la couronne (rattaché au domaine royal). Mais en raison du testament de Philippe de Rouvres, le droit d’héritage par lien du sang telle que le permet la coutume, le duché pouvait être réclamé par Charles le Mauvais, petit-fils de Marguerite de Bourgogne, sœur ainée du duc Eudes IV et ennemi juré du roi Jean.
De ce fait, le roi Jean II, utilisant lui aussi les dernières volontés de Philippe de Rouvres, s’attribue le duché à titre personnel et filial, en tant que fils de Jeanne de Bourgogne, deuxième sœur du duc Eudes IV, et non comme roi de France récupérant un apanage.
Marguerite de Bourgogne était pourtant l’ainée sur sa sœur Jeanne de Bourgogne, mais le roi Jean était le fils de Jeanne, alors que Charles le Mauvais n’était que le petit-fils de Marguerite. Le roi est donc plus proche parent du défunt Philippe de Rouvres que Charles le Mauvais :
« le duché de Bourgogne, avec tous ses droits et appartenances, nous a été dévolu en totalité, non pas à cause du droit de notre couronne mais par droit du plus proche héritier « jure proximitatis non ratione corone nostre » » selon les lettres patentes données au Louvre en novembre 1361 et ce malgré le droit de primogéniture qu’invoque Charles le Mauvais.
C’est donc bien en tant qu’héritage personnel qu’il récupère le duché et non comme apanage tombé en déshérence et récupéré par le suzerain comme cela est souvent évoqué par erreur.


Cependant, le roi Jean fait ajouter aux lettres patentes, qu’il « uni, joint et réuni inséparablement ledit duché avec tous ses droits et appartenances à notre couronne de France ». Il ordonne ensuite à son ami et fidèle conseillé, Jean de Melun, comte de Tancarville de prendre possession du duché en son nom en tant que lieutenant du roi et nomme Henri de Bar, sire de Pierrepont, gouverneur du duché. La préparation à la prise du duché par le roi est grandement facilitée par le comte de Tancarville et le roi peut venir faire sa « Joyeuse Entrée » à Dijon pour le 28 décembre 1361 où il a fait réunir les Etats de Bourgogne (Etats Généraux locaux).
Pour sa Joyeuse Entrée, le roi est accompagné de son quatrième fils Philippe de Valois, qui a partagé son emprisonnement à Londres et à qui il vient de donner le duché de Touraine en tant qu’apanage.

Lors de la réunion des Etats de Bourgogne (gens d’Eglise, nobles barons et habitants des villes), les bourguignons font bien comprendre au roi Jean qu’ils ne souhaitent pas être associés à la couronne et tiennent à garder leur indépendance et leurs privilèges. Le roi Jean les rassure sur ce point en leur accordant une grande charte de privilèges (respect des anciennes franchises et libertés), en complément des cent-vingt autres chartes individuelles accordées à des particuliers ou communautés ecclésiastiques et laïques (confirmations de privilèges, grâces, dons, affranchissements, anoblissements, exemptions de taille…etc).


Le comté d'Artois

Nous avons vu que le comté d’Artois était à l’origine un apanage qui devait donc revenir à la couronne (domaine royal) en cas d’absence d’héritier direct. Cependant, à cause des procès que le déshérité Robert III d’Artois avait fait à sa tante Mahaut d’Artois pour récupérer le comté, trois verdicts de la cour des pairs avait été rendus et déclaraient Mahaut d’Artois héritière pour elle et pour ses enfants du comté d’Artois.
C’est en ce sens que sa fille Jeanne de Bourgogne (veuve du roi Philippe V), en avait hérité en 1329 ; puis en 1330, la fille ainée de cette dernière, Jeanne de France (épouse du duc Eudes IV de Bourgogne).

Il apparait donc logique et sans ambiguïté pour tous qu’une fois la descendance de Jeanne de France éteinte (à la mort de Philippe de Rouvres), ce soit la seconde fille de Jeanne de Bourgogne qui hérite du comté d’Artois.


Cette seconde fille est Marguerite de France (1309-1382), épouse du comte Louis Ier de Flandre (1304-1346 Crécy). Marguerite de France, comtesse douairière de Flandre, devient donc comtesse d’Artois en 1361. Elle n’a qu’un seul fils, le comte Louis II de Flandre (1330-1384), également comte de Rethel et de Nevers, qui lui-même n’a qu’une seule fille, on l’a vu, il s’agit de la petite veuve de Philippe de Rouvres, Marguerite de Male.
Voilà donc la petite Marguerite de Male, déjà héritière des comtés de Flandre, de Nevers, et de Rethel qui peut ajouter à sa corbeille le comté d’Artois.


Le comté de Bourgogne

La situation du comté de Bourgogne est plus complexe. Tout comme le comté d’Artois, Marguerite de France, comtesse douairière de Flandre, le réclame en tant que fille de Jeanne de Bourgogne et petite-fille du comte Palatin Othon IV de Bourgogne. Mais pourtant, cela est contestable.
En effet, lors du mariage de Jeanne de Bourgogne et Philippe V (parents de Marguerite de France), le comté de Bourgogne avait été apporté en dot par Jeanne de Bourgogne à son mari. Dès lors que son mari est devenu roi, le comté était administré par ses soins et il l’a ensuite accordé en dot à sa fille ainée, Jeanne et non à sa seconde fille Marguerite. De ce fait, le roi de France Jean II peut faire valoir ses droits en considérant ce comté comme associé à la couronne.

De plus, plusieurs enclaves du duché de Bourgogne se trouvent dans le comté de Bourgogne soit en suzeraineté propre soit en vassalité.
On a vu également que Marguerite de Flandre a pour héritier son fils le comte Louis II de Flandre et sa petite-fille Marguerite de Male. Cela commence à faire beaucoup d'héritage pour la jeune fille, d’autant que dès février 1362, le roi d’Angleterre entame des pourparlers avec le comte de Flandre pour tenter de marier Marguerite de Male à l’un de ses fils cadets.


Dans un premier temps, le roi accorde le comté de fait à Marguerite de France. Mais il apparait très vite que le roi engage aussi des pourparlers avec l’empereur qui est souverain du comté de Bourgogne.

Les deux Bourgogne à Philippe le Hardi ?

En 1361, l’héritage de Philippe de Rouvres échoit donc à trois personnes, que sont : Jean d’Auvergne-Boulogne pour les comtés d’Auvergne et de Boulogne, Marguerite de France pour les comtés d’Artois et de Bourgogne et le roi Jean II pour le duché de Bourgogne.

Les bourguignons du duché, on l’a vu, ont besoin d’être rassurés sur leurs privilèges et ne tiennent pas à être associés au domaine royal. Un premier voyage du roi en Bourgogne, fin 1361, avait permis un premier contact avec les bourguignons, et un second, en 1362 avant de rejoindre le pape à Avignon, permet de consolider cette association à la couronne. Mais pour les bourguignons cela ne suffit pas.

Ainsi, très rapidement, après avoir envisagé le rattachement du duché de Bourgogne à la couronne, le roi Jean envisage de l’en détacher en l’offrant à son plus jeune fils, Philippe le hardi, duc de Touraine qui a partagé sa captivité à Londres.
Il semble déjà qu’au début de l’année 1363, l’affaire soit décidée, puisque dans le même temps, l’empereur accorde des lettres de donation pour le comté de Bourgogne, dont il est le suzerain, à son neveu, Philippe le Hardi. L’ensemble de cette affaire, probablement décidé à Avignon en présence du pape, se situe au même instant où un mariage est envisagé entre la reine de Naples Jeanne Ière d’Anjou et Philippe le Hardi ou bien le roi Jean. Mais le mariage napolitain n’a pas lieu. Philippe le Hardi et son père le roi Jean retournent donc à Paris en passant par le duché de Bourgogne.


Les lettres du roi Jean, de donation du comté de Bourgogne restent à cet instant secrètes et Philippe le Hardi n’est nommé lieutenant du roi dans le duché de Bourgogne qu’à l’été 1363. Très vite, il réussit là où le comte de Tancarville avait échoué avec les bourguignons et surtout après la bataille de Brignais (1362). Enfin en septembre 1363, le roi Jean II accorde des lettres de donation pour le duché de Bourgogne à son fils Philippe le Hardi en échange de son renoncement au duché de Touraine. Les lettres sont datées du 6 septembre 1363 à Germiny-sur-Marne et sont remises au chancelier de Bourgogne Philibert Paillart.


Dans ces lettres il est explicitement écrit que le duché de Bourgogne est donné à son fils en raison de son comportement héroïque à la bataille de Poitiers où il a été blessé et également en raison de son soutien durant la captivité en Angleterre. Il est également spécifié que le duché lui sera transmis en héritage, ainsi qu’à ses propres héritiers issus de légitime mariage. A aucun moment, dans les lettres de donation, le duché n’est spécifié en tant qu’apanage. Jean II héritier du duché de Bourgogne par sa mère Jeanne de Bourgogne, le transmet à son quatrième fils Philippe le Hardi, en tant qu’héritage également et non en tant qu’apanage.


Mais l’automne 1363 est aussi le moment où Louis duc d’Anjou, le second fils du roi, choisit pour échapper aux gardes du roi Edouard III d’Angleterre dont il est otage. Refusant de retourner en Angleterre, le roi Jean décide de repartir à Londres à sa place. Peu de temps après son arrivée en Angleterre, le roi Jean trouve la mort le 8 avril 1364.


Le mariage de Philippe le Hardi

Succédant à son père Jean II, le nouveau roi Charles V confirme les lettres de donation du duché de Bourgogne à son frère Philippe le Hardi, par un acte enregistré le 2 Juin 1364 au Louvre. Mais il ajoute aussi que le duché ne serait transmissible qu’en ligne directe masculine, ce qui revient à la nouvelle règle de transmission des apanages (masculine directe). Ce changement de statut pour la donation du duché de Bourgogne entre Jean II et Charles V sera l’occasion d’une autre guerre, à la fin du XVème siècle entre le roi Louis XI et l’unique fille et héritière du dernier duc de Bourgogne Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne.


Pour récupérer le comté de Bourgogne, Philippe s’engage dans une guerre contre Marguerite de France, qu’il gagne aisément, mais dans le comté, les résistances des barons se poursuivent et finalement, Charles V s’accorde avec son frère Philippe afin qu’il lui remette les lettres de donation de l’empereur en lui promettant de ne pas les donner à Marguerite de France.
La solution reste bloquée et il apparait alors que la meilleure manière d’y mettre un terme est d’envisager un mariage entre Philippe le Hardi et Marguerite de Male, la petite fille et unique héritière de Marguerite de France. La petite veuve de Philippe Ier de Rouvres a maintenant 14 ans quand Philippe II le Hardi duc de Bourgogne en a 22.

Pourtant le mariage est loin d’être gagné. En effet, le père de Marguerite a déjà fiancé sa fille à l’un des fils du roi Edouard III d’Angleterre. Etant donné que Marguerite de Male est l’héritière des comtés de Flandre, Nevers, Rethel, Artois et de manière contestée de Bourgogne, il est inenvisageable pour le roi Charles V qu’elle épouse un fils du roi Edouard. Aussi, la diplomatie de Charles V s’emploie à faire plier le pape dans ce sens et y réussit. Le pape n’accorde pas les lettres de dispenses nécessaires aux mariages consanguins entre cousins. En d’autres termes, si Marguerite épouse un fils du roi Edouard, le mariage ne sera pas valide et les enfants issus de ce mariage seront illégitimes. Edouard renonce et le comte de Flandre également.


Il faut encore attendre jusqu’en 1369, pour que le comte de Flandre accorde enfin la main de sa fille Marguerite de Male, 19 ans, à Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne, 27 ans. Toutes les villes de Flandre s’étaient employées à faire comprendre qu’elles ne voulaient pas d’une alliance avec la France ; elles avaient tant besoin de commercer avec l’Angleterre, notamment pour la laine.
Pour le faire céder, Marguerite de France s’est employé à menacer son fils de le déshériter s’il mariait sa fille à l’Angleterre et aussi Charles V a dû céder les villes de Douay, Lille et Orchies et 100.000 francs.
Le pape, cette fois complaisant, accorde les lettres de dispenses aux mariages entre cousins et les noces ont lieu à Gand, en Juillet 1369. Pour cet évènement, l’écrivain et compositeur Guillaume de Machaut rédige le récit amoureux « Dit de la Fleur de Lis et de la Marguerite ».


Il a souvent été reproché, à postériori, au roi Jean II d’avoir accordé le duché de Bourgogne à son fils cadet, créant ainsi une puissante branche cadette face à la branche ainée royale. Pourtant ce n’est pas tant le duché de Bourgogne que le mariage de Philippe avec la plus riche héritière d’Europe qui fera la puissance future de la Bourgogne. Et dans le contexte de l’époque, Marguerite aurait épousé soit le frère du roi de France, soit le fils du roi d’Angleterre. Le roi de France et ses autres frères étaient déjà mariés. Il n’y avait pas d’autres solutions.

La puissance bourguignogne

Il faudra pourtant attendre 1382, pour que le père de Marguerite de Male, Louis II de Flandre hérite des comtés d’Artois et de Bourgogne de sa mère Marguerite de France ; et 1384 pour que Marguerite de Flandre, hérite de son père de ces deux comtés ainsi que de ceux de Flandre, Nevers et Rethel.

Philippe le Hardi meurt en 1404, léguant son duché de Bourgogne à son fils ainé Jean Sans Peur. Marguerite de Flandre meurt l’année suivante en 1405, léguant ses comtés de Flandre, Artois et Bourgogne à son fils ainé Jean Sans Peur et ses comtés de Rethel et Nevers à ses fils cadets, Antoine et Philippe de Bourgogne.
Marguerite de Flandre était aussi l’héritière de sa tante maternelle Jeanne de Brabant des duchés de Brabant et de Limbourg. Mais elle meurt avant sa tante et les duchés de Brabant et Limbourg sont légués à Antoine de Bourgogne en 1406, qui donne en échange le comté de Rethel à son plus jeune frère Philippe de Nevers. Les deux plus jeunes fils, Antoine et Philippe, meurent en 1415 à la bataille d’Azincourt.
Le mariage de Jean Sans Peur avec la fille du comte de Hainaut, agrandiront encore, pour la génération suivante, cette principauté de Bourgogne.


Au début du XVème siècle, tout est en place pour rendre les futurs ducs de Bourgogne extrêmement puissants face au roi de France toujours plus affaibli dans sa guerre contre le roi Anglais. Il suffit d’une étincelle entre la lignée royale des Valois et la lignée des ducs de Bourgogne pour que tout dégénère…
Ce sera la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons…


Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :

- PETIT Ernest, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, tomes, VII, VIII, IX, Dijon, 1901, 1903, 1905 (en ligne).
- M de BARANTE Prosper, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois (1304-1482) ; Tome Ier Philippe le Hardi (1364-1399), éditions des régionalismes, Cressé, rééd. 2016.
- M de BARANTE Prosper, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois (1304-1482) ; Tome II Philippe le Hardi et Jean Sans Peur (1400-1416), éditions des régionalismes, Cressé, rééd. 2017.
- LECUPPRE-DESJARDINS Elodie, Le Royaume inachevé des ducs de Bourgogne (XIVè-XVè siècles), Belin, Paris, 2016.
- SCHNERB Bertrand, L’Etat bourguignon 1363-1477, Perrin, Saint-Amand-Montrond, 1999.
- CALMETTE Joseph, Les Grands Ducs de Bourgogne, Albin Michel, Paris, 1987.
- BEAUNE Henri, d’ARBAUMONT Jules, La noblesse aux états de Bourgogne de 1350 à 1789, Lamarche éditions, Dijon, 1864.
- BALOUZAT-LOUBET Christelle, Mahaut d’Artois, une femme de pouvoir, Perrin, Paris, 2015.
- GOBRY Ivan, Philippe V : frère de Louis X, 1316-1322, Pygmalion, Paris, 2010.
- DUHEM Gustave, Jeanne de Bourgogne, comtesse de Poitiers et reine de France, Mémoires de la société d’émulation du Jura, 12è série, vol.1, 1928-1929, p. 139-173, (en ligne).
- LE STRAT-LELONG Sylvie, Le comté de Bourgogne d’Eudes IV à Philippe de Rouvres (1330-1361), Brepols, coll. Burgundica, 2021.
- BEARNE Catherine, Lives and times of the early Valois queens : Jeanne de Bourgogne, Blanche de Navarre, Jeanne d’Auvergne et de Boulogne, 1898 (en ligne).
- LE GLAY Edward, Histoire des comtes de Flandre, des origines au XIIIème siècle (Tome I), éditions des régionalismes, Cressé, rééd. 2014.
- LE GLAY Edward, Histoire des comtes de Flandre, du XIIIème siècle à l’avènement de la Maison de Bourgogne (Tome II), éditions des régionalismes, Cressé, rééd. 2014.
- BALUZE Etienne, Histoire généalogique de la maison d’Auvergne justifiée par chartes, titres, histoires anciennes et autres preuves authentiques, t.1, 1708, (en ligne).
- FAVIER Jean, Les Plantagenêts. Origines et destin d’un empire XIè-XIVè siècle, Tallandier, Lonrai, 2015.
- MONNET Pierre, Charles IV, un Empereur en Europe, 2020, Fayard.
- AUTRAND Françoise, Charles V, Fayard, Mesnil-sur-l’Estrée, 1994.
- DEVIOSSE Jean, Jean le Bon, Fayard, Condé-sur-l’Escaut, 1985.

Illustrations :
- Arbres généalogiques : © Aurélie Anne Brière Seveau.
- Sceau équestre de Philippe Ier de Rouvres Duc de Bourgogne, Inventaire des sceaux de Bourgogne, Pairs, 1912, n°72.
- Photos d’Hélène Duc et Jean Piat (Mahaut et Robert d’Artois, Les Rois Maudits, 1972).
- Portrait Jeanne Ière d’Auvergne-Boulogne, domaine public, collection Alamy.
- Portrait marguerite de male, domaine public, anonyme.
- Portrait Jeanne II Comtesse d’Auvergne et de Boulogne, par Hans Holbein le Jeune, domaine public.
- Portrait Jean II le Bon, anonyme, musée du Louvre, Paris.
- Portrait Marguerite de France, comtesse douairière de Flandre, domaine public, par Jacques Le Boucq, recueil d’Arras.
- Portrait Marguerite de Male, par Vincent Nicolas Raverat, école Française, XIXème siècle.
- Portrait Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne, anonyme, école flamande précoce, Hofburg, Vienne.
- Extrait de la lettre de Jean II le Bon, datée du 6 septembre 1363 à Germiny-sur-Marne ; extrait de l’ouvrage de Barante : Histoire des ducs de Bourgogne de la Maison de Valois, Tome Ier.
- La Bataille de Poitiers - 1356 - Jean II le Bon est prisonnier avec son fils Philippe le Hardi.
- Gisant de Jean II le Bon, Nécropole royale de la Basilique de Saint-Denis.
- Statue de Charles V, musée du Louvre.
- Louis de Male, comte de Flandre, Nevers et Rethel, domaine public, anonyme.
- Jean Sans Peur, anonyme, musée du Louvre.

Musique que j'aime :
- BrunuhVille, Winterwolf, Rebirth, 2013.

Auteure © Aurélie-Anne Brière-Seveau, tous droits réservés, 2023

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