Sur la page des émaux et des fourrures, nous avons vu que ces émaux et fourrures représentent le plan inférieur de l’écu et celui que l’on blasonne en premier. C’est le champ de l’écu.
Viennent ensuite, éventuellement, les plans supérieurs. Les plans supérieurs peuvent être des figures et/ou des pièces. Il peut y en avoir plusieurs superposés ou non.
Bien entendu, ce n’est pas obligatoire, et un blason peut n’être représenté que par un champ d’émail ou de fourrure. On le blasonne en disant qu’il est « plain ».
C’est le cas, par exemple de la famille d’Albret ou de celle des ducs de Bretagne. Seigneurie d’Albret : « de gueules plain ». Duché de Bretagne : « d’hermine plain ».
Les figures peuvent représenter des animaux (existants ou légendaires), des plantes, des personnages (ou parties du corps : œil, main, tête…),
des éléments naturels (montagne, rivière…), des objets (épée, clé, bateau, couronne, château…), des astres (étoile, lune…),
des pierres précieuses, des croix, des petits meubles (petites figures géométriques telles que des triangles, carreaux, losanges…), des semés.
Règle de l’Alternance Couleurs/Métaux – Métaux/Couleurs
La première règle énoncée dans la partie « les émaux et les fourrures » concernait la superposition des plans pour détailler le blasonnement.
La seconde est que ces plans ne peuvent pas être du même émail.
Par exemple, si le champ de l’écu (le plan inférieur) est une couleur, la figure superposée dessus ne pourra être qu’un métal.
Et inversement, si le champ de l’écu est un métal, la figure superposée dessus devra être une couleur.
Cette superposition avec alternance des émaux se poursuit s’il y a d’autres plans supérieurs.
Il en va de même pour deux émaux côte-à-côte. Mais nous verrons qu’il existe de nombreuses exceptions à cette règle, qui restent néanmoins très codifiées.
Par exemple :
Comté d’Armagnac : « d’argent au lion de gueules ».
Notons que le métal « d’argent » ne pouvait être superposé que d’une figure à couleur et non de l’autre métal « d’or ».
Lion ou Léopard ?
Si aucune précision n’est apportée, dans le cas du lion, il est en position « rampant », c’est-à-dire, dressé de profil,
tourné vers notre gauche, sa queue est relevée, sa patte arrière gauche repose sur le sol, la droite est relevée ;
les pattes avant sont, l’une relevée comme pour attaquer une proie (en latin : rapiens, donc « rampant ») et l’autre rabaissée pour la défense.
Il s’agit de l’animal le plus représenté en héraldique.
Le lion peut avoir également quelques détails concernant ses griffes (armé), sa langue (lampassé) ou une couronne (couronné) d’un autre émail que celui de son corps.
C’est aussi le cas pour d’autres animaux. Et là, nous retrouvons une première exception à la règle de l’alternance des couleurs/métaux.
Comté de Flandre : « d’or au lion de sable, armé et lampassé de gueules » ou « d’or au lion de sable, paré de gueules ».
Nous remarquons dans cet exemple que le corps du lion (de sable) côtoie une autre couleur pour les griffes et la langues (de gueules).
Mais pour ces petits détails, cela est permis.
Le blason du duché de Juiliers est le même que celui du comté de Flandre, cela est pure hasard, car normalement il est interdit de perdre les armes d'autrui.
Cependant, dans ce cas précis, il est impossible de dire qui a copier qui, mais il est probable, que ce n'était pas volontaire.
Duché de Brabant : « de sable au lion d’or, armé et lampassé de gueules ». Comté de Hollande : « d’or au lion de gueules, armé et lampassé d’azur ». Royaume de Bohème : « de gueules au lion d’argent, armé, lampassé et couronné d’or ». Plus précisément ce serait même : « de gueules au lion d’argent, à la queue double fourchue passée en sautoir, armé, lampassé et couronné d’or ». (Sautoir = en croix diagonale).
Royaume de Léon (en Espagne) : « d’argent au lion de pourpre, armé, lampassé et couronné d’or ». Comté d’Ulster (Hugues de Lacy) : « d’or au lion de pourpre, denté et allumé (œil) d’argent ».
Notons que la couleur pourpre est très rare en héraldique.
Le lion, ou un autre animal, s’il est « rampant », peut également être armé d’une épée, d’une hache…, tenant un objet…, en précisant la couleur ou l’émail. Famille Sforza (Milan) : « d’azur au lion d’or, armé et lampassé de gueules, tenant un coing d’or tigé et feuillé de sinople ».
Le lion peut également avoir d’autres positions.
S’il est horizontal, de profil vers notre gauche, il n’est plus « rampant », mais « passant » et dans ce cas il faut le préciser.
Idem, s’il est « couché », « accroupi »…
S’il est « rampant » (vertical), mais que son visage est face à nous, « gardant », alors il devient un lion léopardé.
S’il est « passant » (horizontal), mais que son visage est face à nous, soit « gardant », alors il n’est plus un lion mais devient un léopard.
Comté de Rodez : « de gueules au lion léopardé d’or ». Duché d’Aquitaine : « de gueules au léopard d’or, armé et lampassé d’azur ».
Si aucune information ne le précise, la figure prend place au centre de l’écu de manière assez conséquente.
S’il y a plusieurs figures identiques, elles prennent place d’une manière codifiée.
Deux figures verticales identiques, seront côte-à-côte, tournées dans la même direction, vers notre gauche ;
deux figures horizontales identiques seront l’une au-dessus de l’autre. Nul besoin de le préciser. Idem s’il y a trois figures horizontales…
Comté de Bigorre : « d’or aux deux lions de gueules, armés et lampassés d'azur ». Duché de Normandie : « de gueules aux deux léopards d’or, armés et lampassés d’azur ». Royaume d’Angleterre (avant XIVème siècle) : « de gueules aux trois léopards d’or, armés et lampassés d’azur ».
Pour la petite anecdote, c’est à Richard Cœur de Lion, fils de la duchesse Aliénor d’Aquitaine et du roi Henri II d’Angleterre,
qui avaient fait de lui le duc d’Aquitaine et de Normandie, que l’on doit le blason d’Angleterre, réunion des blasons d’Aquitaine et de Normandie.
Autres animaux :
Comté de Forez : « de gueules au dauphin d’or ». Dauphiné d’Auvergne : « d’or au dauphin d’azur ». Dauphiné de Viennois (avant 1349, réunion à la France) : « d’or au dauphin d’azur, crêté, allumé (œil), barbé, loré (nageoires) et peautré (queue) de gueules ».
Vicomté de Béarn : « d’or aux deux vaches de gueules, accornées (cornes), colletées et clarinées (collier et cloche) d’azur ».
Saint Empire Romain Germanique (avant 1368) : « d’or à l’aigle de sable, becqué (bec), et armé (griffes/serres) de gueules ». Royaume de Pologne : « de gueules à l’aigle d’argent, armé, becqué et couronné d’or ». Royaume de Sicile : « d’argent à l’aigle de sable, armé, becqué et lampassé de gueules ». Famille d’Este (Ferrare/Modène) : « d’azur à l’aigle d’argent, armé et becqué d’or ».
D’autres animaux sont parfois représentés mais de manière beaucoup moins fréquente :
le mouton, la chèvre, le chien, le loup, l’ours, le porc-épique, l’hermine, le cheval, le cerf, la biche,
le poisson (le bar, nous y reviendrons), toutes sortes d’oiseaux : chouette, colombe, cygne, faucon,
paon, coq, des insectes, des amphibiens (salamandre), mais aussi la licorne, le dragon, la sirène…
Un autre animal assez unique et original est le serpent des Visconti, appelé « Guivre ».
Famille Visconti (Milan) : « d’argent à la guivre d’azur, halissante de gueules et couronnée d’or ».
La guivre est un serpent dévorant ou vomissant un enfant.
Le terme « Halissante » est employé pour signifier que l’enfant dévoré n’est pas du même émail que celui de la guivre.
Dextre / Senestre
En héraldique, nous n’utilisons pas « la droite » ni « la gauche », mais « dextre » et « senestre ».
Dextre signifie à droite et Senestre signifie à gauche, mais pour celui qui porte l’écu !
De ce fait lorsque l’on regarde l’écu de face, notre gauche est appelée « dextre », qui est à la droite du porteur de l’écu ;
et notre droite est appelée « senestre », qui est à la gauche du porteur de l’écu.
Finalement c’est comme si l’on regardait une personne lever sa main droite, si elle est en face de nous, sa main droite nous apparait à gauche.
Vous avez donc pu remarquer que les animaux sont tournés, la plupart du temps, vers notre gauche et donc vers dextre (sur la droite du porteur de l’écu).
Cela n’est pas sans raison. Il faut bien imaginer que l’écu était à la base une arme défensive que le chevalier portait sur son bras gauche,
tandis que sa main droite portait l’épée (ou la lance, la hache…).
De cette manière, les animaux sont donc tournés vers dextre, soit vers l’avant du chevalier.
Sur le côté droit de la house du cheval, les animaux sont inversés, tournés vers senestre, afin de toujours faire face à l’adversaire.
Un animal qui serait tourné vers l’arrière du cheval, donc dos à l’ennemi, serait synonyme de fuite ou de couardise et donc de très mauvais augure pour les batailles…
Un animal sur l’écu, qui serait tourné vers senestre, serait donc dit « contourné » ;
s’il est bien tourné vers dextre, mais que sa tête seule, regarde vers senestre, il est « regardant » ;
et si c’est face à nous qu’il regarde, il est « gardant » (cas du léopard).
Il peut aussi être bicéphale : deux têtes, tournées chacune d’un côté : cas de l’aigle du Saint Empire Germanique après 1368.
Saint Empire Romain Germanique (après 1368) : « d’or à l’aigle bicéphale de sable, becqué et armé de gueules ».
Pour la petite anecdote, l’Empereur du Saint Empire Romain Germanique, Charles IV de Luxembourg, était le fils d’Elisabeth Premyslovna,
reine de Bohème et de Jean l’Aveugle duc de Luxembourg, (mort à Crécy en 1346, côté Français). Le Luxembourg et la Bohème, sont des terres aux confins Ouest et Est de l’Empire ;
de ce fait, en 1368, l’Empereur Charles IV décide de changer les armes du Saint Empire, notamment en rajoutant une tête à son aigle, afin qu’il puisse avoir l’œil des deux côtés de l’Empire…
Si deux animaux identiques se tournent le dos, ils sont adossés ;
s’il s’agit de deux lions rampants qui se tournent le dos, ils sont « contre-rampants » ;
s’ils sont passants et que l’un est tourné vers senestre, l’autre vers dextre, ils sont contre-passants.
S’ils se font face à face, rampants, ils sont affrontés.
Les semés :
Ce sont des figures de petite taille qui parsèment tout le champ de l’écu.
Un des plus connu est le semé de fleur de lys, on l’appelle « fleurdelisé ».
Mais il existe d’autres semés :
d’étoiles, dit « étoilé » ou « étincelé » ;
de billettes, dit « billeté » ;
de croissants, dit « croissanté » ;
de crusilles, dit « crusillé » ;
de croisettes (petites croix carrées), dit « croiseté » ;
de larmes, dit « goutté » ;
de besants (petits ronds de métal), dit « besanté » ;
de tourteaux (petits ronds de couleur), dit « tourtelé » ;
de plumes, dit « plumeté »…
Dans le cas des semés, le nombre des figures est indéfini, mais celles touchant les bords de l’écu sont coupées de moitié.
La fourrure d’hermine est donc bien un semé : « d’argent moucheté de sable » ou « d’argent semé de mouchetures de sable ».
Royaume de France (avant XIVème siècle) : « d’azur fleurdelisé d’or » ou « d’azur semé de fleurs de lys d’or ».
Comté de Bourgogne (Franche-Comté) : « d’azur billeté d’or, au lion couronné du second, armé et lampassé de gueules »
ou « d’azur semé de billettes d’or, au lion couronné du second, armé et lampassé de gueules ».
Lorsqu’il est blasonné « du second », cela signifie que l’on utilise la même couleur ou le même métal qui a été décrit en second dans le blason.
A savoir, dans cette situation, la première couleur est celle du champ (azur), la seconde est celle des billettes (métal d’or),
donc la couleur du lion est la même que la seconde couleur utilisée, donc d’or également.
Il est également possible de blasonner « du même » pour dire que la couleur utilisée est celle déjà décrite précédemment :
Comté de Nevers : « d’azur billeté d’or, au lion du même (donc d’or aussi), armé et lampassé de gueules »
ou « d’azur semé de billettes d’or, au lion du même, armé et lampassé de gueules ».
Comté puis Duché de Bar : « d’azur crusillé d’or, à deux bars adossés du même »
ou « d’azur semé de crusilles, à deux bars adossés du second ».
Il est intéressant de rappeler ici, qu’au Moyen Age, le comté (puis duché) de Bar était à cheval sur la frontière Est du royaume de France,
avec des terres vassales du roi de France et d’autres vassales de l’Empire. Les deux bars sont tournés de chaque côté de la frontière.
D’autres exemples de figures :
République de Florence : « d’argent à la fleur de lys florencé de gueules ».
« Lys florencé » signifie que la fleur à des boutons fleuris entre ses fleurons.
La fleur de lys est la fleur symbole des armes de France, mais elle n’est pas « florencée ».
A l’origine, il s’agit d’une fleur d’iris. C’est Louis VII qui l’a utilisée comme symbole aux croisades
qui l’appelait « fleur de Loys » (de Louis) et par déformation de langage, Loys est devenu Lys.
Royaume de Castille : « de gueules au châtelet à trois tours d’or, ouvertes d’azur ». Famille Colonna (Rome) : « de gueules à la colonne d’argent, ornée d’une base et d’un chapiteau d’or, couronnée de même ».
Comté d’Auvergne : « d’or au gonfanon de gueules, frangé de sinople ».
La frange de sinople contre le gonfanon de gueules est aussi une exception à la règle des associations de couleurs/métaux,
car il s’agit d’un détail minime, comme pour les griffes et langues des animaux.
Royaume de Navarre : « de gueules aux chaines d’or, posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d’une émeraude ».
En « orle », signifie qui « fait le tour » ; en « croix » signifie toujours une croix verticale/horizontale ;
en « sautoir » signifie une croix en diagonale ; en « cœur » signifie « au milieu de l’écu ».
Royaume d’Irlande : « d’azur à la harpe d’or, cordée d’argent ».
Famille d’Hasting, comté de Pembroke : « d’or à la manche de gueules ».
Il s’agit d’une manche de vêtement féminin du XIIIème et XIVème siècle.
Royaume d’Ecosse : « d’or au lion de gueules, armé et lampassé d’azur, au double trescheur fleuronné et contre-fleuronné du même ».
Comté de Tripoli : « de gueules à la croix d’or vidée de gueules ».
Royaume latin de Jérusalem : « d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même ».
De manière délibérée, les armes du royaume latin de Jérusalem ne respectent pas les règles de la superposition des émaux ; il s’agit là de deux métaux (or sur argent).
C’est ce que l’on appelle « des armes à enquerre ».
Le porteur d’armes à enquerre doit normalement avoir une très bonne raison pour déroger à la règle et s’en expliquer.
Mais il s’agit de Jérusalem, et à ville exceptionnelle, blason exceptionnel ! La Ville Sainte ne se justifie pas.
Le positionnement des figures :
Lorsque plusieurs figures identiques sont présentes sur le champ, il est nécessaire de préciser leur emplacement.
S’il n’y en a que trois, elles se place automatiquement en deux rangées (deux figures en haut, une en bas centrée) et il n’est nul besoin de le préciser.
Sinon, il faut détailler leur nombre par rangée (en partant du haut) : par exemple « en trois-deux-un » ou « en trois-deux-trois »
ou bien « en orle » (contour) ou « en sautoir » (en croix diagonale)…
Petite précision sur le vocabulaire des différents quartiers de l’écu :
Nous avons vu dextre/senestre, pour les côtés de l’écu selon le porteur.
Le haut de l’écu est le « chef » et le bas de l’écu est la « pointe ».
Le centre de l’écu est appelé le « cœur ».
Les coins sont appelés « canton » : canton dextre du chef (ou franc-canton), canton senestre du chef, canton dextre de la pointe, canton senestre de la pointe.
Royaume de France (à partir de Charles V) : « d’azur aux trois fleurs de lys d’or » ;
Comté de Boulogne ( et Comté d’Edesse) : « d’or aux trois tourteaux de gueules ».
Etienne de Vignolles, dit La Hire (compagnon de Jeanne d’Arc) : « de sable à trois grappes de raisin d’argent, accompagnées chacune d’une feuille de vigne du même ».
Jean de Beaumanoir (combat des Trente) : « d’azur aux onze billettes d’argent, posées 4, 3, 4 ».
Famille Médicis (Florence) : « d’or à six tourteaux, disposés en orle, cinq de gueules, celui en chef chargé d’azur et de trois fleurs de lys d’or ».
Ville de Poissy (ville de naissance de Saint-Louis) : « d’azur au poisson d’argent posé en fasce,
accompagné en chef et en pointe d’une fleur de lys d’or et à dextre d’une fleur de lys d’or défaillante à senestre ». « Défaillante à senestre » signifie que la figure est coupée de moitié et n’apparait pas à senestre.
Jeanne d’Arc : « d’azur à une épée d’argent garnie d’or, disposée en pal et férue d’une couronne du second, accostée de deux fleurs de lys du même ».
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