Une autre des règles dans le domaine de l’héraldique est qu’il est interdit de subtiliser les armes d’autrui.
En effet, comme pour des droits d’auteur, personne ne peut s’approprier ce qui est fait et appartient aux autres.
En revanche, au sein d’une même famille, il est possible d’hériter des armes du père, voir également de la mère.
Dans le cas d’appropriation de territoire, c’est également possible de récupérer les armes de la terre ou du fief, même s’il y a changement de famille ou de dynastie.
Mais afin d’éviter que trop de personnes d’une même famille ne possèdent le même blason, il est donc possible de « briser » les armes familiales.
Au sein des familles, généralement, seul le fils ainé garde les armes du père après sa mort, tandis que les fils cadets y ajouteront une « brisure ».
La brisure peut se présenter de différentes manières.
Cela peut être l’ajout d’une pièce, d’une figure, d’un meuble (petite figure), ou de plusieurs…
Il est également possible de briser les armes en inversant ou changeant les émaux, en faisant contourner les figures… etc.
Le « lambel » est une pièce spécifique des brisures, il peut avoir plusieurs « pendants ».
Enfin, les fils « bâtards », mais reconnus du père, pouvaient aussi utiliser les armes de leur père avec leur autorisation, en ajoutant une brisure.
Le terme « bâtard » employé aussi, est utilisé avec le vocabulaire de l’époque médiévale, qui n’était en rien péjoratif comme aujourd’hui.
Je me permets donc de l’employer ici, dans ce sens non péjoratif.
Pour blasonner une brisure, qui serait une pièce ou une figure ajoutée, il suffit de blasonner les armes d’origine et d’ajouter à la fin « brisée de … ».
Mais ce n’est pas une obligation, et souvent le terme « brisé » n’est pas ajouté.
Il arrive parfois que des armes brisées soit de nouveau brisées par une autre branche cadette. On parle alors de surbrisure. Les armes sont alors brisées-surbrisées.
Les brisures telles que les bandes, barres, bordures, lambels, n’ont pas d’obligation de répondre à la règle de l’alternance des émaux.
Celles qui représentes des figures ou des meubles doivent respecter cette règle.
Les premières brisures en France apparaissent avec le futur Louis VI le Gros, qui avait utilisé le lambel d’hermine à trois pendants, qui correspondait à sa terre du Vexin,
puis Philippe Hurepel, fils de Philippe II Auguste qui avait un lambel de gueules à cinq pendants.
Les frères de Saint-Louis ont poursuivi avec les brisures, ou d’autres armoiries :
Alfonse de Poitiers, lui, avait opté pour une division en semé parti de lys (France) et parti semé de châteaux de Castille (leur mère était Blanche de Castille),
mais ce n’était pas vraiment une brisure.
Un autre frère de Saint-Louis, Jean, utilisait un lambel de gueules à trois pendants, alors que Robert, comte d’Artois utilisait un lambel de gueules à trois pendants,
chacun chargé de trois châteaux d’or. Ce dernier restera comme blason pour les comtes d’Artois.
Le frère de Saint-Louis, Charles, devenus roi de Naples, utilisera plusieurs blasons.
Le premier sera celui de fils cadet de France à la bordure de gueule chargée de châteaux et le suivant, au lambel de gueules à trois pendants,
divisé en parti avec celui de Jérusalem, et qui lui servira comme roi de Naples.
Comté d’Artois : « d’azur semé de fleurs de lys d’or au lambel de gueules à trois pendants, chaque pendants chargés de trois châteaux d’or ».
Charles Ier d'Anjou, Roi de Naples : « Parti au 1 d'azur semé de fleurs de lys d'or au lambel de gueules à trois pendants ; au 2 d'argent à la croix d'or, cantonnée de 4 croisettes du même ».
Les différents blasons utilisés par les frères ou fils (ou petit-fils) de Saint-Louis,
qui n’ont pas eu de descendances et dont les apanages sont retournés à la couronne, sont réutilisés par les générations suivantes.
Celui de Robert de Clermont (en Cambrésis), dernier fils de Saint-Louis, deviendra celui des ducs des Bourbon, suite à son mariage avec Béatrice dame de Bourbon.
Au XIVème siècle, le duc Pierre Ier de Bourbon a un frère, Jacques, comte de La Marche, qui surbrise les armes de Bourbon.
Comté de La Marche : « d’azur semé de fleurs de lys d’or, à la bande de gueules chargée de trois lions passants d’argent ».
Le frère de Philippe IV le Bel, Charles de Valois, reprend une ancienne brisure utilisée dans les générations précédentes,
les armes de France à la bande de gueules. En tant que comte d’Anjou par mariage, ces armes deviennent celles du duché d’Anjou.
Comté de Valois, associé au comté d'Anjou puis Duché d’Anjou : « d’azur semé de fleurs de lys d’or, à la bordure de gueules ».
L’autre frère de Philippe le Bel, Louis comte d’Evreux, utilise une surbrisure de celle de Bourbon :
Comté d’Evreux : « d’azur semé de fleurs de lys d’or, à la bande componée d’argent de gueules ».
Les générations suivantes utilisent également des surbrisures :
Comté d’Alençon (second fils de Charles de Valois comte d’Anjou) : « d’azur semés de fleurs de lys d’or à la bordure de gueules, chargée de onze besants d’argent ».
Comté d’Etampes (frère du comte d’Evreux) : « d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bande componée d’argent chargé d’une moucheture d’hermine et de gueules ».
Le roi de Navarre Charles II, aussi comte d’Evreux, quant à lui, écartèle ses armes de Navarre et d’Evreux, revendiquant bien attachement à la couronne de France.
Les fils de Jean II le Bon, sont nombreux :
Le premier, futur Charles V, on l’a vu, écartèle ses armes de France avec celles du dauphiné de Viennois.
Ces armes seront désormais celles de tous les fils ainés des rois de France.
Le second fils de Jean II le Bon, Louis, est fait duc d’Anjou. Il reprend alors les armes de son arrière-grand-père, Charles de Valois, déjà comte d’Anjou.
Le troisième fils, Jean, duc de Berry, surbrise les armes d’Anjou, afin d’avoir une bordure de gueules engrelée.
Enfin, le dernier fils, Philippe, d’abord comte de Touraine, surbrise aussi les armes d’Anjou, en componant la bordure de gueules et d’argent.
Puis le fils cadet du duc d’Anjou, fait comte du Maine, surbrise lui-aussi les armes de son père, duc d’Anjou.
Duché d’Anjou : « d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bordure de gueules ».
Duché de Berry : « d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bordure engrelée de gueules ».
Comté de Touraine : « d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bordure componée de gueules et d’argent ».
Comté du Maine (fils cadet du duc d’Anjou) : « d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bordure de gueules chargée d’un lion d’argent en franc-canton ».
Le fils cadet de Philippe VI, Philipe duc d’Orléans reprend le lambel, d’argent cette fois sur les armes de France auquel il ajoute deux filets de gueules sur chacun des trois pendants.
Mais il n’a pas eu de descendance et son apanage d’Orléans a été remis au fils cadet de Charles V, Louis qui utilise également les nouvelles armes de France à trois fleurs de lys.
Duché d’Orléans (Philippe, fils cadet de Philippe VI) : « d’azur semés de fleurs de lys d’or, au lambel d’argent à trois pendants chargés chacun de trois filets de gueules ».
Duché d’Orléans (Louis, fils cadet de Charles V) : « d’azur à trois fleurs de lys d’or, au lambel d’argent à trois pendants ».
Les nouvelles armes de France choisies par Charles V avec seulement trois fleurs de lys sont gardées pour les nouvelles générations.
Comté d’Angoulême (fils cadet de Louis d’Orléans) : « d’azur à trois fleurs de lys d’or, au lambel d’argent à trois pendants chargés chacun d’une croissant de gueules ».
Dunois, fils bâtard de Louis d’Orléans et compagnon de Jeanne de d’Arc : « d’azur à trois fleurs de lys d’or, au lambel d’argent à trois pendants,
brisé d’une barre de sable brochant le tout ».
En Angleterre aussi les cadets ont adopté les mêmes brisures qu’en France : bordures, lambels, souvent surbrisées. En voici quelques exemples :
Duc de Kent : « de gueules aux trois léopards d’or, armés et lampassés d’azur, à la bordure d’argent ».
Duc de Lancastre : « de gueules aux trois léopards d’or, armés et lampassés d’azur, au lambel d’azur à trois pendants chargés chacun de trois fleurs de lys ».
Jean d’Eltham : « de gueules aux trois léopards d’or, armés et lampassés d’azur, à la bordure d’azur chargée de quatorze fleurs de lys d’or disposées en orle ».
Edouard de Woodstock (Le Prince Noir) : « écartelé en 1 et 4 d’azur semé de fleurs de lys d’or et en 2 et 3 de gueules aux trois léopards d’or,
armés et lampassés d’azur, au lambel d’argent à trois pendants, brochant le tout ».
Notons qu’il adopte les nouvelles armes d’Angleterre choisies par son père Edouard III pour revendiquer le trône de France.
Richard de Conisburgh,duc d’York : « écartelé en 1 et 4 d’azur aux trois fleurs de lys d’or et en 2 et 3 de gueules aux trois léopards d’or,
armés et lampassés d’azur, au lambel d’argent à trois pendants chargés chacun de trois tourteaux de gueules, brochant le tout,
à la bordure d’argent chargée de dix-neuf lions de gueules disposés en orle ».
Notons que les nouvelles armes de France de Charles V passées d’un semé de fleurs de lys à trois fleurs de lys, sont également adoptées en Angleterre.
Thomas Beaufort (frère de Henri IV) : « écartelé en 1 et 4 d’azur aux trois fleurs de lys d’or et en 2 et 3 de gueules aux trois léopards d’or,
armés et lampassés d’azur, à la bordure componée d’azur et d’hermine gironnée en vingt-quatre pièces ».
Duc de Bedford (frère de Henri V) : « écartelé en 1 d’azur aux trois fleurs de lys d’or au lambel d’argent à deux pendants, chacun chargés de trois mouchetures d’hermine ;
en 2 de gueules aux trois léopards d’or, armés et lampassés d’azur, au lambel d’argent à trois pendants chacun chargés de trois fleurs de lys d’or ;
en 3 de gueules aux trois léopards d’or, armés et lampassés d’azur ; et en 4 d’azur aux trois fleurs de lys d’or ».
Voici d’autres exemples de blasons comportant une brisure :
Philippe de Bourgogne, (fils du duc de Bourgogne Eudes IV et de Jeanne de France ;
blason avant de devenir duc de Bourgogne, ce qu’il ne sera finalement jamais car mort avant son père) :
Philippe II le hardi, frère de Charles V ; après être devenu duc de Bourgogne (il garde ses armes brisées de fils de France qu’il avait comme comte de Touraine
et les écartèle avec celles du duché de Bourgogne qu’il reçoit en apanage) :
Philippe de Valois, comte de Touraine : « écartelé en 1 et 4 d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bordure componée de gueules et d’argent ;
et en 2 et 3 bandé d’or et d’azur de six pièces, à la bordure de gueules ».
Antoine, Grand-Bâtard de Bourgogne, (fils illégitime mais reconnu de Philippe III le Bon, duc de Bourgogne, petit-fils de Philippe le Hardi.
Philippe III, a hérité de nombreux territoires en plus du duché de Bourgogne, qu’il divise à nouveau. Antoine, le Grand-Bâtard, les reprend en ajoutant une brisure) :
Antoine, Grand Bâtard de Bourgogne : « écartelé en 1 et 4 d’azur semés de fleurs de lys d’or, à la bordure componée de gueules et d’argent ;
et en 2 parti de bandé d’or et d’azur de six pièces, à la bordure de gueules et de sable au lion d’or, armé et lampassé de gueules et en 3,
parti de bandé d’or et d’azur de six pièces, à la bordure de gueules et d’argent au lion de gueules armé, couronné et lampassé d’or ;
le tout d’or au lion de sable armé et lampassé de gueules ; le tout brisé d’une barre d’argent ».
En 1 et 4 : les armes brisées de France, en 2 : parti avec les armes de Bourgogne et celles de Brabant ;
en 3 : parti avec les armes de Bourgogne et celles de Limbourg ; sur le milieu : celles de Flandre.
Seigneurs de Cassel (cadet de Flandre) : « d’or au lion de sable armé et lampassé de gueules, à la bordure engrelée de gueules ».
John Talbot (cadet de famille Talbot) : « de gueules au lion d’or, à la bordure engrelée de gueules ».
Jean de Montfort (cadet de Bretagne) : « d’hermine à la bordure de gueules chargée de neuf léopards d’or disposés en orle ».
Geoffroy de Harcourt, Vicomte de Saint-Sauveur (cadet de Harcourt) : « de gueules aux deux fasces, accompagnées d’un château à trois tours en cœur et de six bars,
adossés et accolés deux à deux, quatre en chef, deux en pointe, le tout d’or ».
Seigneur de Vaud (cadet de Savoie) : « de gueules à la croix d’argent, brisée d’une bande componée d’or et d’azur à six pièces ».
Comté de Champagne (brisée du comté de Blois) : « d’azur à la bande d’argent côtoyée de deux cotices potencées et contre-potencée d’or ».
Enfin pour terminer dans les exemples de brisure, celui du comté de Comminges est particulièrement intéressant.
Au départ, il est « d’argent à la croix pattée de gueules » puis une branche cadette hérite du comté :
Comté de Comminges : « de gueules à quatre otelles d’argent posées en sautoir ».
Lectures ayant aidé à l'écriture de cet article :
- D'ESTAMPES Claude René, Dictionnaire Encyclopédique d'Héraldique, 2016, Broché.
- FROGER Michel, L'Héraldique. Histoire, blasonnement et règles, 2012, Editions Ouest-France.
- PASTOUREAU Michel, L'Art héraldique au Moyen Âge, 2000, Seuil.
Musique que j'aime :
- Compagnons du Gras Jambon, 2013.
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